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« Le Crazy Horse fut une libération après des années de danse classique »

« Premières fois » : récits de moments charnières autour du passage à l’âge adulte. Cette semaine, Coline, 33 ans, raconte avec émotion sa première entrée sur la scène du Crazy Horse, il y a presque dix ans.

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Publié le 25 juin 2023 à 06h00, modifié le 26 juin 2023 à 10h18

Temps de Lecture 4 min.

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La première fois que je danse sur la scène du Crazy Horse, j’ai 24 ans. C’est un moment très spécial, presque irréel, tant je rêvais d’y être. Mon trac est immense. Et je réalise seulement à quel point nous sommes nues. Ça n’a rien à voir avec nos deux mois de répétitions en shorty. Nous sommes tout à coup à poil et personne n’est gêné, c’est formidable ! On laisse beaucoup de choses au vestiaire avec nos vêtements. Nos corps sont par ailleurs préparés au cours d’un long rituel de coiffure et de maquillage devant refléter les jeux de lumières une fois sur scène.

Ce soir-là, cette transformation est parachevée lorsque je suis « baptisée ». La tradition veut que les nouvelles danseuses reçoivent leur nom de scène juste avant le début de leur premier show, derrière l’épais rideau de velours rouge. Sauf que le premier nom qu’on m’attribue ne me plaît pas vraiment, je trouve qu’il me met une trop grande pression. C’est la panique, je me retrouve en désaccord avec l’entreprise que je voulais tant rejoindre dès le premier soir… Mais ils comprennent et me proposent en second choix Zora Moonshine, nom que j’adore cette fois-ci, à la fois parce que je suis dans la lune et parce qu’il porte en lui l’histoire de l’interdit. Le moonshine était le nom de code de l’alcool de contrebande pendant la période de la prohibition.

Quand le rideau s’ouvre enfin, on entre toutes en scène en minicostume de gardes anglais. J’étais si concentrée, si fière. Je ne cessais d’observer les anciennes, des icônes comme Psykko Tico et Zula Zazou, connues pour leur identité artistique bien affirmée. Au tout début, on t’attend au tournant, tu as plutôt intérêt à respecter la hiérarchie. Le bizutage, gentillet, est là pour te le rappeler : tu dois attendre les « stars » avec un peignoir en sortie de scène, en vouvoyer certaines, qui nous ont fait croire qu’on devait se doucher avec des lunettes de piscine… J’ai senti la rivalité, mais l’ambiance était plutôt à la camaraderie. Le mode de fonctionnement me paraissait même très libre et valorisant.

« On m’a d’abord jugée trop maigre, puis trop ronde »

Je revenais de loin : le « Crazy » était en quelque sorte mon salut après des années de danse classique au niveau professionnel. Même les chaussures à talons me semblaient bien plus confortables pour danser que les pointes. Sauf que mes tendons ne sont pas du même avis aujourd’hui.

J’ai été formée au Conservatoire national de Paris, l’une des formations d’excellence en France, dès mes 13 ans. Originaire de Caen, j’avais rejoint l’école en internat. Mais le classique peut être un milieu toxique où l’on t’humilie pour faire sortir le meilleur de toi-même. C’est moyenâgeux, parfois. Moi, ça m’a rendue malade. Je suis devenue anorexique à 15 ans. J’ai été hospitalisée, j’ai cru aller mieux, j’ai rechuté. Ça a duré jusqu’à mes 21 ans. Danser dans ces conditions, c’est-à-dire incarner la vie et la joie, c’est compliqué. Il a fallu que je rompe avec le classique, que j’erre quelques années. J’ai été hôtesse d’accueil, j’ai gardé des enfants, j’ai tenté la fac de droit sans y trouver ma place. C’est si difficile de perdre sa passion.

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