![La façade principale de la gare de Metz](https://img.lemde.fr/2013/01/17/0/1/1022/681/664/0/75/0/ill_1818744_2572_000_par7116417.jpg)
Propriétaire du plus grand domaine foncier après celui de l’Etat, la SNCF est, avec plus de 90 événements, la partenaire principale de la 36e édition des Journées européennes du patrimoine. Elle a sous sa responsabilité quelques-uns des édifices majeurs de l’histoire des XIXe et XXe siècles, dont les gares et leurs emprises constituent une part essentielle. Composantes des mythologies industrielles et vecteurs stratégiques des dispositifs de guerre, conduisant parfois jusqu’aux pires horreurs, les trains et les gares (leurs buffets ou leurs salles des pas perdus) sont aussi les complices des premiers ébats touristiques, les sujets de chansons, de peintures ou de films qui alimentent sans relâche les désirs d’échappées, réelles ou imaginaires.
Parmi ces notables figures de pierre, de verre, de métal ou de béton, la gare de Metz, quatrième du nom dans la cité mosellane, est un cas d’école. Prévue, dès 1901, dans le plan d’extension conçu par Conrad Wahn, architecte en chef de la ville pendant l’annexion allemande, elle fut, à ses débuts, « le fruit d’une propagande légitimant le pouvoir germanique dans l’Alsace-Moselle, où Guillaume II entendait bien s’imposer », ainsi que le rappelle Claude Le Breton, architecte de la cellule patrimoine à l’agence AREP, spécialisée dans la conception des gares.
Un projet colossal
Nous sommes ici au cœur du Reichsland, né à partir de 1871 au lendemain de la guerre franco prussienne, qui allait sceller le rattachement de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne. Tout autant que Strasbourg qui en fut la capitale, Metz avait sa Neustadt, sa nouvelle ville dont la gare devait être le centre de gravité, implantée au cœur d’une structure urbaine en étoile que l’on retrouvait également dans le tracé ferroviaire alentour.
Metz-ville, son actuel nom officiel, a été édifiée de 1905 à 1908 par le Berlinois Jürgen Kröger. L’architecte a proposé un projet qu’il a qualifié de « Licht und Luft » (« lumière et air »). Mais c’est le Kaiser qui imposa le style néoroman à l’édifice, inspiré des palais de la maison de Hohenstaufen qui fut, du XIe au XIIIe siècle, un important soutien au Saint-Empire romain germanique.
Le projet messin est colossal : 290 mètres de long, soit un record mondial pour une gare de passage, une tour qui culmine à 40 mètres, et 10 000 m2 de surface au sol. Non loin, achevée en 1878, une élégante gare terminus réalisée dans un style d’inspiration néoclassique existe, qui est en cours de reconversion. Ce gigantisme, qui justifia l’usage de plus de 700 pieux plantés dans le sous-sol argileux, s’explique pour des raisons d’ordre stratégique. « L’idéologie guerrière rejaillit (…) sur les dimensions grandiloquentes d’un édifice conçu pour recevoir des armées entières », souligne Claude Le Breton.
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