ARTE – VENDREDI 28 JUILLET À 22 H 35 – DOCUMENTAIRE
En revisitant l’histoire de la saga familiale de la maison de prêt-à-porter et de couture Gianni Versace, telle que la narre Olivier Nicklaus dans son documentaire Versace - Les liens du sang, on réalise que Ryan Murphy, dans la deuxième saison de sa série anthologique American Crime Story : The Assassination of Gianni Versace (2018), n’avait rien inventé.
Ou presque : en s’appuyant sur l’enquête de la journaliste Maureen Orth, Vulgar Favors. Andrew Cunanan, Gianni Versace, and the Largest Failed Manhunt in U.S. History (Delacorte Press, 1999), Murphy avait choisi d’évoquer la séropositivité présumée du couturier, un fait que Donatella Versace, la sœur d’icelui, avait classé à l’inventaire des « commérages et spéculations » dont elle accusait le livre d’être le colporteur.
La « muse »
Nicklaus n’aborde pas ce sujet controversé et il n’est question que du cancer de l’oreille qui força Versace, en 1996, à se retirer quelque temps, donnant l’occasion à Donatella de prendre la lumière et de s’affirmer, elle qui n’avait jusqu’alors été que responsable des accessoires, mais en vérité « muse » dont l’avis comptait beaucoup pour son frère.
Après l’assassinat de Gianni Versace, le 15 juillet 1997, par le tueur en série Andrew Cunanan, devant sa villa dégoulinante de luxe tape-à-l’œil, sur Ocean Drive, à Miami Beach (Floride, Etats-Unis), les choses furent immédiatement reprises en main par la famille, un peu à la manière calabraise (les liens présumés des Versace avec la Mafia ont souvent été évoqués ; Nicklaus ne s’attarde pas sur le sujet).
Avec une surprise de taille, sur laquelle s’arrête en revanche le documentaire : plutôt que de faire hériter sa sœur ou son frère Santo, le directeur financier de la maison, Gianni Versace avait ordonné par testament que sa nièce Allegra, fille de Donatella, reçoive l’intégralité des actions qu’il détenait et soit sa légataire universelle.
L’effarement fut grand chez Donatella et Santo mais aussi chez Antonio D’Amico, le compagnon de Gianni, qui, après dix-sept années de vie commune, n’héritait de rien et fut même écarté par Donatella – elle n’avait jamais vraiment supporté l’élément perturbateur que représentait Antonio dans la relation parfois houleuse mais toujours fusionnelle qu’elle entretenait avec son frère.
Puisque sa fille était alors mineure, Donatella prit le contrôle de la maison : en ajoutant ses parts à celles de la jeune fille, elle devenait actionnaire majoritaire. La famille, à l’exemple des grandes lignées italiennes de la Renaissance, ne fut longtemps que camps retranchés, coups bas et règlements de compte.
Beaucoup, parmi ceux qui entourèrent Donatella de leur commisération lors des funérailles quasi papales du couturier à Milan, ne cachaient pas leurs doutes quant à l’avenir de la maison, laissée aux mains expérimentées mais sans génie d’une blonde un peu vulgaire, fêtarde et dépendante à la cocaïne, que l’on eut grand tort de prendre pour une idiote.
Car, ainsi que le rappellent historiens, journalistes et collaborateurs de la maison au cours du documentaire, Donatella, qui se désintoxiqua et progressa notablement, finit, après quelques saisons peu convaincantes, par faire retrouver à Versace le chemin du succès critique et financier, et même par affirmer sa patte personnelle.
Versace - Les liens du sang, documentaire d’Olivier Nicklaus (Fr., 2023, 53 min). Sur Arte.tv jusqu’au 25 octobre.
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