De loin, rien ne distingue Le Magasin électrique des autres halles du Parc des ateliers d’Arles. Avec sa belle structure en acier, sa façade en pierre enduite d’un doux crépi de chaux, ce bâtiment industriel se fond dans le paysage de l’ancienne friche ferroviaire où la mécène suisse Maja Hoffmann, héritière des laboratoires Roche, a établi le camp de base de sa Fondation LUMA. La surprise arrive quand on pousse la porte, que l’on découvre ce lieu où se sont installées, au printemps, les équipes des Ateliers LUMA, programme de recherche sur les matériaux et les savoir-faire artisanaux de la région, lancé en 2016 par la fondation.
Ce bâtiment, où l’on produit toutes sortes de fascinants objets de design (vases, tabourets, textiles…) à partir de matériaux biosourcés comme du sel, des algues, de la laine, de l’indigo, a, en effet, été conçu comme un prototype d’architecture biorégionale à échelle industrielle. Un vaste volume baigné d’une lumière zénithale qui s’engouffre à travers les verrières, où les activités de production, de recherche, de formation sont distribuées autour d’une pièce centrale dans laquelle le bâtiment se met en scène pour ses visiteurs.
L’espace est structuré par d’épais murs en pisé laissés à nu. Conçus sans aucun liant, avec des pierres concassées récupérées sur le chantier, ils contribuent à l’atmosphère agréable des lieux, une fraîcheur relative, une certaine humidité de l’air, les odeurs que diffusent les matériaux naturels – le bois brut des mezzanines, les briques blanchies à la chaux, la paille de riz qui sert à l’isolation thermique…
Un splendide sol en terrazzo fait de briques de récupération anoblit l’espace de la pièce centrale. La longue frise qui le traverse et lui donne tout son caractère a été réalisée avec de petits morceaux de tuiles en terre cuite récupérées sur le chantier, ciselés avec une précision d’orfèvre comme des inscriptions calligraphiques. Un paravent de panneaux acoustiques lacéré d’aplats rouges, noirs et bleus qui auraient aussi bien pu être peints par Simon Hantaï (1922-2008) attire le regard : fabriqués en moelle de tournesol, ils ont été teintés avec des pigments minéraux. En levant les yeux, on est charmé par ce lustre en bioplastique d’algues, grappe de grosses boules rouges et jaunes creusées de fins sillons, comme des vinyles, auquel font écho les prises électriques colorées réalisées avec les chutes d’une imprimante 3D…
Un organisme vivant
Tout ici ou presque vient de la terre, ou de matériaux de récupération, et a été trouvé, nous assure-t-on, dans un rayon de 70 kilomètres. La dimension esthétique était d’autant plus stratégique. Cet alliage de low-tech et de chic, de rugosité et de lustre, de couleurs ternes et de teintes pop, est le fruit de la collaboration entre deux collectifs : BC Architects, une structure belge hybride en pointe, telle qu’elle se définit, sur les processus de construction durables et inclusifs, et Assemble, un groupement d’architectes, d’artistes et de designers basé à Londres qui a reçu, en 2015, l’onction du prestigieux Turner Prize. « On ne voulait surtout pas que le projet soit labellisé architecture hippie, explique Laurens Bekemans, de BC Architects. La beauté doit pouvoir se concilier avec une pratique écoresponsable : il ne faut pas oublier que nous sommes des êtres humains. »
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