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« Hold-up sur les vieux », sur Arte : les dangers d’une Europe livrée aux « profiteurs de vieillesse »

Une enquête édifiante sur le marché florissant du grand âge, investi par des opérateurs privés, dans des pays encore pétris de tabous sur la question.

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Publié le 14 mai 2024 à 18h00

Temps de Lecture 2 min.

Image extraite du documentaire « Hold-up sur les vieux », de Laurence Delleur et Nathalie Amsellem.

ARTE – MARDI 14 MAI À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE

Denise Sestier, 97 ans, est celle qui en parle le mieux : « Je n’admets pas qu’on soit des potentiels de rentabilité pour ces grandes entreprises qui encaissent des millions, des milliards. On n’est plus des personnes humaines. Pour moi, c’est inadmissible. J’en souffre. » La vieille dame a consigné dans un cahier les dysfonctionnements – liés au personnel manquant ou peu formé – dans la colocation pour personnes âgées où elle a vécu plusieurs mois : une résidence gérée par la société Ages & Vie, propriété du groupe privé commercial Clariane (ex-Korian). Denise Sestier est un témoin-clé dans l’enquête de Laurence Delleur et Nathalie Amsellem sur les bons comptes des groupes privés en Europe qui tiennent le marché florissant de la grande vieillesse.

Lire le récit (en 2022) : Article réservé à nos abonnés Korian visé, après Orpea, par des plaintes de famille

Arte a enquêté particulièrement sur DomusVi en Espagne. Le groupe français, très implanté dans la péninsule Ibérique, est accusé de mauvaises prises en charge des résidents dans ses Ehpad par de nombreuses familles, mais aussi par des salariées qui témoignent. DomusVi invoque la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur pour s’exonérer des cas de maltraitance qui lui sont reprochés.

Mais les deux journalistes évoquent également la proximité de l’ancienne directrice espagnole de DomusVi, Josefina Fernandez, avec un dirigeant du Parti populaire (droite) qui a longtemps contribué à l’impunité du groupe, accusé de limiter les embauches de personnel pour dégager des profits.

Forte rentabilité exigée

Le documentaire porte aussi sur le Royaume-Uni, où les maisons de retraite sont pratiquement toutes privées. Des fonds d’investissement ou de capital-risque sont à la tête de groupes d’Ehpad qui exigent une forte rentabilité. Un système incompatible avec le bien-être des résidents, décryptent les autrices de l’enquête, qui illustrent leur démonstration par l’histoire du groupe Four Seasons Health Care, qui a changé quatre fois de propriétaire avant d’être placé sous administration judiciaire en 2019.

Lire le décryptage (en 2022) : Article réservé à nos abonnés Le modèle économique intenable des Ehpad privés

En Allemagne, où le secteur de l’aide à domicile est très développé, les entreprises privées font venir d’Europe de l’Est des femmes aux horaires flexibles et moins bien payées que le personnel allemand. Entre 300 000 et 600 000 aides à domicile, souvent étrangères, sont ainsi « exploitées », explique Arte, avec des rythmes de travail effrénés, en général peu compatibles avec une bonne qualité des soins.

Entre ces trois pays, un point commun : la puissance publique a délégué aux acteurs privés la prise en charge des très âgés. « On les a encouragés à entrer dans ce secteur. Et aujourd’hui on leur reproche de financer leurs actionnaires, mais c’est leur travail. C’est leur raison d’être », remarque l’économiste Ilona Delouette, interrogée dans le documentaire sur les ressorts de la suprématie du privé.

Est-ce une fatalité ? En Europe, le Danemark fait figure de contre-modèle. L’Etat et les communes y financent massivement les aides aux seniors, incités à vivre chez eux. Mais le modèle danois est critiqué dans le pays, car il coûte cher aux contribuables. Si les vieux européens sont autant sous-traités au secteur marchand, les enjeux budgétaires ne sont pas seuls en cause. Le regard négatif de la société sur le grand âge encourage les gouvernants à ne pas leur accorder l’attention qu’ils requièrent.

L’enquête, du reste, fait l’impasse sur les manquements des maisons de retraite publiques. Mais elle alerte, de façon percutante, sur les dangers d’une Europe livrée aux « profiteurs de vieillesse ».

Hold-up sur les vieux, documentaire de Laurence Delleur et Nathalie Amsellem (Fr., 2024, 91 min). Diffusé sur Arte et disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 19 août.

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