![Vue d’ensemble, en 2023, de la toiture du Stade national, conçu en 2019 par Kengo Kuma, à Tokyo.](https://img.lemde.fr/2024/05/28/0/0/4000/2668/664/0/75/0/41a6ca1_1716889546737-01-japan-national-stadium-kengo-kuma-mikiya-takimoto.jpg)
Que la Maison de la culture du Japon à Paris profite des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 pour revenir sur ceux qui se sont tenus par deux fois à Tokyo, en 1964 et en 2021, semblait une bonne idée. Que l’institution mette en avant les contributions respectives de Kenzo Tange (1913-2005) et de Kengo Kuma (né en 1954) à ces deux événements pouvait également se comprendre. Le grand stade de Yoyogi (Tange, 1964), en l’occurrence, est un chef-d’œuvre d’architecture brutaliste dont la toiture splendidement cambrée s’élance en pointe vers le ciel, formant à l’intérieur de grandes jupes de béton qui dramatisent l’espace et laissent filtrer une lumière fabuleuse. Et le Stade national (Kuma, 2019), un volume ovale simple et massif, en béton, lui aussi, mais coiffé d’une belle toiture en bois et métal ceinturée par des circulations extérieures que prolonge un système d’auvents en poutres de bois, qui ont vocation à se faire coloniser par une végétation galopante.
La comparaison entre les deux architectes pourrait s’arrêter là, si les commissaires n’avaient pas eu à cœur de leur trouver d’autres points communs. L’architecture traditionnelle japonaise par exemple, et particulièrement celle de la villa impériale de Katsura, joyau du XVIIe siècle, dont la découverte, à Kyoto, bouleversa les pionniers du mouvement moderne européen qu’étaient Walter Gropius (1883-1969) et Bruno Taut (1880-1938). Sa géométrie inspira à Tange la conception de sa propre maison et l’exposition la raccorde aussi, mais sur le sujet de l’usage des matériaux, à certains bâtiments de Kuma.
Autre motif de rapprochement entre les deux architectes : leurs liens avec la France. Chez Tange, et bien que la façade explosive de son Grand Ecran Italie ait laissé son empreinte sur la place d’Italie, à Paris, ces liens sont d’abord d’ordre intellectuel, l’architecte du stade Yoyogi s’étant beaucoup imprégné des écrits et plus généralement de l’œuvre de Le Corbusier. Chez Kuma, la connexion s’incarne très concrètement dans la production d’une série de bâtiments prestigieux, du FRAC PACA (à Marseille, 2013) au Musée Albert-Kahn (à Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine, 2022), de la station Saint-Denis-Pleyel du Grand Paris Express (livraison prévue en juin) à la réinterprétation du portail de la cathédrale d’Angers (initialement prévu pour être livré en 2024, le projet a pris du retard).
![Modélisation 3D de la gare Saint-Denis-Pleyel, conçue par Kengo Kuma, en 2015.](https://img.lemde.fr/2024/05/28/0/0/5600/3500/664/0/75/0/37ddff5_1716889523248-11.jpg)
Structurée par ces points communs, l’exposition juxtapose de belles maquettes ainsi que des photos, en noir et blanc, aux dimensions parfois monumentales, qui en sont les véritables vedettes. Les bâtiments de Tange ont été photographiés par Yasuhiro Ishimoto (1921-2012), grand photographe d’architecture, et architecte lui-même, dont le travail sur l’ombre et la lumière valorise les structures et la matérialité des ouvrages. Ceux de Kuma l’ont été par Mikiya Takimoto, photographe et chef opérateur de cinéma, qui les a stylisés à l’extrême, poussant l’effet métallisé de l’image numérique à son maximum, saturant les noirs jusqu’à l’abstraction, au point qu’on ne fait plus la différence entre une photo de bâtiment et une photo de maquette. Plus fondamentalement, ce primat accordé à la photographie pose problème, tant il contribue à aplatir l’architecture, à en lisser les aspérités, pour finalement rendre indéchiffrable ce qui oppose les projets.
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