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« Les Fantômes » : un homme sur les traces de son tortionnaire

Pour son premier long-métrage de fiction, Jonathan Millet s’est inspiré de la traque menée par des civils syriens, à la recherche de criminels de guerre.

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Publié le 02 juillet 2024 à 06h00

Temps de Lecture 3 min.

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Hamid (Adam Bessa) et Harfaz (Tawfeek Barhom) dans « Les Fantômes », de Jonathan Millet.

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Film d’espionnage, thriller sous tension, sans effets de style ni exploitation intempestive des codes ordinaires et facilités du genre, le premier long-métrage de Jonathan Millet joue avec les nerfs. Avec simplicité, du moins en apparence, tirant sa force de la réalité dont le film s’inspire, et de la matière que celle-ci charrie, concentrée tout entière sur un personnage dont l’histoire et l’itinéraire comptent pour des milliers d’autres. Hamid (Adam Bessa) est un rescapé de la prison militaire de Saidnaya, près de Damas – la plus meurtrière du régime de Bachar Al-Assad.

On découvre le jeune homme, en 2016, à Strasbourg, ville frontalière avec l’Allemagne, où lui a été accordé un statut de réfugié. Sa présence en France relève d’une nécessité missionnaire : retrouver son ancien bourreau dont le visage lui est inconnu, puisque le sien, pendant les interrogatoires, était recouvert d’un sac. Quête hasardeuse, quasi illusoire à laquelle néanmoins Hamid demeure vissé, accroché comme un naufragé à son radeau. Le film aussi. Qui ne le lâche pas, suivant chacun de ses mouvements, fixant son regard profond, en alerte, attentif aux détails les plus minimes, et qui, à nous, échappent.

Ce regard-là nous absorbe, devient le nôtre, donne forme aux fantômes, met en abyme ce qui, en somme, est à l’œuvre au cinéma. Un œil qui derrière la caméra nous oblige à adopter son point de vue, à suivre ce qu’il désigne, à décrypter les zones qu’il éclaire.

Le héros du long-métrage de Jonathan Millet – film choisi pour ouvrir, en mai, la Semaine de la critique du Festival de Cannes –, s’absorbe à cette tâche. Laquelle devient sa raison d’être, la promesse de son salut. Tel un deuil qui ne peut se faire sur la mort d’un proche dont le corps n’a jamais été retrouvé, l’avenir d’Hamid demeure privé d’horizon tant que le tortionnaire qu’il poursuit n’a pas été identifié.

Réseaux souterrains

La marche discrète et la retenue qui gouvernent le film épousent le rythme de son personnage, font éprouver le sentiment d’une présence totale à ce qui l’accapare. Cette intensité, on la doit à l’acteur Adam Bessa, dont la gravité, l’intériorité sombre, quasi douloureuse, donnent la mesure de l’enjeu, et du péril qu’il comporte. A Cannes, l’acteur fut récompensé du Prix de la meilleure interprétation pour son rôle dans un autre film (présenté à Un certain regard) : Harka (2022), de Lotfy Nathan.

On doit aussi cette intensité au parcours du réalisateur Jonathan Millet, qui a traversé et filmé une cinquantaine de pays du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud et d’Afrique, et a vécu en Syrie, à Alep, où il a appris l’arabe. Des expériences dont il a tiré plusieurs films documentaires qui, tous, racontent l’exil à travers des histoires individuelles puissantes : Et toujours nous marcherons (2017), sur l’invisibilité des sans-papiers ; Ceuta, douce prison, réalisé avec Loïc H. Rechi (2012), qui suit la trajectoire de cinq migrants ; La Disparition (2020), tourné en Amazonie, traçant le portrait d’Amadeo, dernier des hommes à parler le taushiro et dont la fin est proche.

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