![Tin Oo chez lui, à Rangoun, en Birmanie, le 13 février 2010.](https://img.lemde.fr/2024/06/05/0/0/2535/2178/664/0/75/0/1a23c3e_1717584821370-403250.jpg)
Ex-chef des armées de Birmanie sous le dictateur Ne Win, cofondateur de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) au côté d’Aung San Suu Kyi et prisonnier politique au long cours, Tin Oo, mort, à Rangoun, samedi 1er juin, incarnait une espèce d’homme singulièrement rare dans ce pays martyrisé par les juntes militaires depuis un demi-siècle : un ex-général converti à la démocratie.
Cette existence mise tour à tour au service de deux causes à ce point irréconciliables, alors que la Birmanie est plongée dans la plus sanglante guerre civile de son histoire, a pris toute sa signification quand il est apparu que l’une des couronnes mortuaires parvenues à son domicile après son décès venait de Min Aung Hlaing, tandis qu’une corbeille de fleurs blanches était, elle, portée au nom d’Aung San Suu Kyi.
Le premier n’est autre que le chef des armées, celui qui a refusé de reconnaître la victoire écrasante de la NLD aux élections de novembre 2020 et a renversé par un coup d’Etat, le 1er février 2021, la seconde, alors cheffe de gouvernement, pour prendre sa place. Jetée en prison, Aung San Suu Kyi a été condamnée à plus de trente ans de réclusion – la corbeille de fleurs aurait été envoyée par son ancien personnel à Rangoun.
A moitié paralysé et rendu aphasique après une attaque cérébrale en 2017, Tin Oo a été épargné par la vague d’arrestations puis d’assassinats perpétrés contre les cadres de la NLD dans les jours qui ont suivi le coup d’Etat. En décembre 2021, Min Aung Hlaing lui rendit même visite à son domicile, lui promettant des soins dans un hôpital militaire. Le vieil homme le reçut, vêtu d’un blouson de la NLD, un badge du parti banni, dont il fut le président, fièrement épinglé à sa poitrine. Et mit son point d’honneur à se faire soigner à l’hôpital public, où il mourut.
Tin Oo est né le 12 mars 1927, à Pathein, dans ce qui était alors le Raj britannique (empire des Indes). Entré dans l’armée à 16 ans, deux ans avant l’indépendance de 1948, il gravit les échelons de la Tatmadaw, la « glorieuse armée » fondée par Aung San, le héros de l’indépendance et le père d’Aung San Suu Kyi, assassiné en 1947. Ne Win, le chef de l’armée qui a pris le pouvoir en 1962 par un coup d’Etat, utilise la Tatmadaw pour unir par la force un pays en proie à de puissants courants centrifuges. Les campagnes s’enchaînent, de plus en plus brutales, contre les ennemis intérieurs que sont la guérilla communiste soutenue par la Chine maoïste et les guérillas ethniques, en particulier celle du peuple Karen.
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