![L'économie grise prend une nouvelle dimension à l'âge des réseaux.](https://img.lemde.fr/2015/08/25/0/0/4928/3280/664/0/75/0/ad809c9_4696-1bo0dqu.jpg)
On pourrait appeler cela l’économie « leboncoin.fr », ou d’Airbnb, ou d’Uber et de tous ces sites éclos dans les années 2010 et qui se chargent de mettre en relation des particuliers offreurs de services avec d’autres qui sont demandeurs. Sympathique et efficace cette nouvelle économie du partage est pratiquée déjà activement par près d’un tiers des Français. Mais où sont les limites du partage ? Probablement dans cette frontière délicate qui sépare l’activité privée de la professionnelle, l’indemnisation du bénéfice, l’intérêt de chacun de celui de la collectivité.
L’économie grise existe partout et depuis la nuit des temps. Elle est même souvent nécessaire. Les rares études existantes la situent autour de 20 % du produit intrérieur brut (PIB) européen et en étroite corrélation avec le niveau de taxation d’un pays. Mais elle prend une autre dimension à l’âge des réseaux. Comme l’extension à l’infini du domaine du travail au noir. Double défi lancé à la puissance publique, qui voit échapper des ressources, et au monde économique traditionnel confronté à une concurrence d’un nouvel ordre.
D’où les révoltes des taxis contre les chauffeurs d’Uber ou des hôteliers contre Airbnb. Deux plateformes qui jouent volontairement de l’ambiguïté actuelle pour défendre à la fois leur rôle dans le développement économique et justifier qu’elles échappent au droit commun, notamment fiscal, puisqu’elles ne font que mettre en relation des particuliers.
Particuliers contre professionnels
Il faut donc se réjouir que les sénateurs se soient colletés avec ce sujet, avec pour une fois une approche plutôt moderne et non punitive. Leur rapport présenté hier devrait être suivi d’amendements au projet de loi de finance 2016. La limite proposée de 5 000 euros, d’exonération d’impôt sur le revenu donnerait une visibilité et une stabilité juridique à tous les particuliers qui tablent actuellement sur une « tolérance » aléatoire du fisc. Il fixe la différence entre l’indemnisation de l’usage de sa voiture par un adepte du site de covoiturage Blablacar et l’activité professionnelle, même de complément d’un chauffeur UberPop.
Ce faisant, le travail des sénateurs ne doit pas masquer les évolutions de fond du marché du travail et de l’économie tout entière. Même soumise à déclaration d’impôt, la multiplication de ces situations où les particuliers se mettent en concurrence de professionnels, avec moins de contraintes et d’exigences, comme dans le cas des appartements d’Airbnb, qui propose plus de 10 000 chambres à Paris, est à la fois un facteur d’expansion de l’économie, s’il incite plus de voyageurs à venir dans la capitale, mais aussi de déflation en tirant vers le bas les prix des prestations équivalentes.
Où est partie l’inflation ? se demandent les économistes et les banquiers centraux, tétanisés par ce mystère qui entrave toute reprise durable de la croissance. En partie dans la poche de la multitude des acteurs de cette nouvelle économie du partage.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu