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Les chauffeurs de taxis sur le pied de guerre

L’ouverture d’une procédure en correctionnelle à l’encontre des dirigeants de l’application Heetch ne suffira pas à calmer la colère des chauffeurs de taxis. Ils appellent à une journée nationale de mobilisation le 26 janvier.

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Publié le 21 janvier 2016 à 17h44, modifié le 21 janvier 2016 à 19h52

Temps de Lecture 4 min.

In extremis, les pouvoirs publics tentent le déminage. Une semaine avant la journée d’action des chauffeurs de taxis, Mathieu Jacob et Teddy Pellerin, cofondateurs et dirigeants de Heetch ont été déférés mardi 19 janvier devant le procureur de la République à l’issue de leur garde à vue. Il leur a été signifié une convocation pour être jugés en juin de trois délits : « organisation illicite de mise en relation » avec des chauffeurs qui ne sont ni taxis sous licence, ni véhicules de transport avec chauffeur (VTC), « complicité d’exercice illégal de la profession de taxi » et, enfin, « pratique commerciale trompeuse ».

« C’est une opération par laquelle l’Etat démontre sa bonne volonté », réagit Serge Metz, PDG de G7, plateforme de réservation de taxis. Depuis des mois, Heetch, application pour smartphones fondée en 2013 est dans la ligne de mire des taxis. Cette start-up parisienne d’une vingtaine de salariés propose à tout à chacun d’être mis en relation avec des chauffeurs pour être transporté entre 20 heures et 6 heures. Heetch assure « n’imposer aucun tarif, ni même le principe d’une tarification, les passagers ayant la liberté de choisir le montant de la participation aux frais ». L’application surfe sur l’économie collaborative, soutient Yann Marteil, directeur général de ViaID, incubateur d’entreprises.

Aux yeux de cet actionnaire de la première heure, Heetch relèverait même « de l’intérêt général » en assurant un moyen de transport dans des zones non desservies de nuit par les transports en commun à un « public qui n’est pas celui de la clientèle des taxis ». « L’idée nous est venue de proposer une offre aux jeunes pour mieux se déplacer la nuit en banlieue et profiter de la vague électro qui redynamise la vie nocturne parisienne », argumente urbi et orbi, M. Pellerin.

Un terrain miné

Manifestement, depuis la naissance de sa start-up, le jeune entrepreneur savait qu’il avançait en terrain miné. Dès la création, il dit avoir multiplié les contacts pour « faire valider son modèle » auprès de la DGCCRF, puis à « Bercy et aux ministères de l’intérieur et des transports ». L’opération de charme aura-t-elle été vaine ? Désormais, M. Pellerin devra défendre son application à la barre du tribunal. « 220 jeunes conducteurs ont été mis en garde à vue, tout cela est disproportionné », s’emporte aujourd’hui M. Marteil. Or, « Heetch ne relève pas du transport onéreux entre particuliers. Ce n’est pas illégal », assure le co-créateur de Heetch qui rappelle que son entreprise n’assure que « 50 000 trajets par semaine quand Uber ou G7 tourne sur environ 1 million ».

L’entrepreneur espère découpler le sort d’Heetch de celui d’UberPop, l’application de mise en relation entre particuliers développée par l’américain Uber, interdite par arrêté de la préfecture de Police de Paris en juin 2015 et fermé depuis. « Nous ne sommes pas concernés par cet arrêté », soutient le directeur général d’Heetch. Cette position fait bondir les chauffeurs de taxis qui, eux, y voient de « la maraude électronique », explique Karim Ashoun, secrétaire général de la CGT Taxis.

Sur le papier, la procédure en cours à l’encontre d’Heetch doit calmer la colère des organisations syndicales. Mais en fait, rien ne semble ébranler la mobilisation prévue le mardi 26 janvier pour réclamer le respect de la loi Thévenoud qui depuis 2014, régit les VTC ; certaines organisations de chauffeurs de taxis prévoient de monter des barrages aux abords des aéroports de Paris, à la porte Maillot et dans les centres-villes de Bordeaux et Marseille. D’autres sont plus mesurées, dont l’Union de défense des taxis parisiens qui appelle au calme. Mais toutes les organisations de taxis seront de la partie. Y compris une centaine de chauffeurs anglais, suisses, espagnols et italiens invités par la CGT « pour ce problème mondial ».

« La tension est à son comble »

« La journée pourrait être plus violente encore que celle du 25 juin 2015 », s’alarme Jean-Michel Rebours, président de l’Union de défense des taxis parisiens. Au cours de cette journée d’action destinée à dénoncer la « concurrence déloyale » d’UberPop, les taxis avaient pris à parti des chauffeurs de VTC, renversé plusieurs de leurs berlines et bloqué la place de la porte Maillot à Paris. Les images ont fait le tour de la planète.

Sept mois plus tard, la fièvre n’est pas retombée. La loi Thévenoud qui, depuis fin 2014, régit les VTC est toujours en cause. La plupart des organisations en demandent une meilleure application. La CGT Taxis va plus loin en suggérant son abrogation. « L’Etat est incapable de la faire respecter. Sur le terrain, on constate quotidiennement cette anarchie qui permet à n’importe qui de faire de la contrefaçon de taxi », s’agace aussi M. Ashoun.

La réaction de l’Etat est pour le moins « tardive », nuance M. Rebours. « Heetch a toujours été considéré comme illégal par les forces publiques », s’offusque aussi M. Metz. Car les contrôles sont jugés trop rares. « D’autant plus depuis les attentas du 13 novembre à Paris et la situation d’état d’urgence. Les forces publiques sont mobilisées sur d’autres sujets que le contrôle des transports et l’application de loi Thévenoud », rapporte M. Rebours. Et en ce début d’année, le ressentiment des taxis est ravivé par une « chute d’activité de l’ordre de 20 % à 30 % au second semestre 2015 », selon les Taxis Bleus. « La tension est à son comble », s’inquiète M. Ricordel qui, tout comme l’Union de défense des taxis parisiens, appelle « solennellement ses chauffeurs à ne pas répondre aux provocations ». Y compris à celles de Uber ? Thibaud Simphal, son directeur général en France, a rappelé mercredi 20 janvier vouloir ouvrir sa plate-forme aux chauffeurs taxis.

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