C’est une petite plaque métallique fixée sur l’aile avant droite de la voiture. En rouge sur fond noir figure un numéro. Il est précieux. A Paris, sa valeur pourrait dépasser 200 000 euros. Cette licence que tous les taxis doivent exhiber pour travailler est une autorisation de stationnement sur des places réservées. Elle accorde également un monopole pour prendre des clients à la volée dans la rue, circuler sur les voies réservées, profiter des bornes d’appel…
Comme le sparadrap du capitaine Haddock, ce petit bout de métal colle aux doigts des gouvernements successifs depuis des décennies. Depuis qu’ils cherchent à ouvrir la profession et se heurtent à chaque fois à la colère des artisans concernés. Dans la foulée de la médiation du député PS Grandguillaume, le gouvernement envisage à nouveau un rachat de ces licences, préalable à une réforme de fond qui, in fine, pourrait unifier le statut des taxis et des chauffeurs de VTC.
Licences contingentées et cessibles
Pour les taxis qui se sont lourdement endettés pour obtenir le précieux sésame, il s’agit d’un casus belli car il menace leur équilibre économique. Pour le gouvernement, c’est un véritable casse-tête. Car ces licences, accordées gratuitement par les pouvoirs publics (la préfecture de police à Paris, les mairies ailleurs) sont contingentées et cessibles. Il n’y en a que 17 000 sur l’agglomération parisienne (Paris et petite couronne) et la demande est forte.
Leur revente est donc un pécule pour les chauffeurs qui vient arrondir leur retraite. L’économiste Jacques Delpla estime qu’au tarif actuel, leur valeur atteindrait 5 milliards à Paris. Et même en retenant le prix au moment de l’achat, comme l’envisage le gouvernement, on approche 2 milliards. C’est donc cher, et l’Etat n’entend pas acheter un bien qu’il a donné gratuitement. D’ailleurs une loi de 1995 lui interdit de le faire. De plus, ce serait moralement hasardeux puisque, selon Delpla, près de la moitié de cette valeur, intégrerait l’anticipation de revenus non déclarés, et donc une fraude fiscale et sociale massive.
Le chômage grossit les rangs des VTC qui,
la technologie aidant, chassent sur les terres des taxis.
Pas facile de sortir d’une situation héritée… de la grande dépression de 1930. Devant l’afflux de chauffeurs provoqué par la montée du chômage, et la colère des artisans, le gouvernement à établi en 1937 un numerus clausus en réduisant de moitié le nombre de taxis en circulation (de 30 000 à 14 000 à Paris). Aujourd’hui, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le chômage grossit les rangs des VTC qui, la technologie aidant, chassent sur les terres des taxis.
Mais le malthusianisme ne sera pas à nouveau la solution. Au-delà d’un mécanisme de soutien pour la perte de valeur des licences, qui devra être financé par une taxe, la question de fonds est celle de l’élargissement du marché. Plus de chauffeurs et des prix plus bas amènent-ils plus de clients ? Le développement fulgurant de l’économie de marché depuis plus de deux siècles a répondu à cette question.
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