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Thomas Coutrot : « Il y a un lien très net entre l’abstention et le manque d’autonomie au travail »

Dans un entretien au « Monde », le chercheur Thomas Coutrot identifie des corrélations « très nettes » entre mal-être au travail et résultats électoraux, et plaide pour une participation « réelle » des salariés aux décisions qui les concernent.

Propos recueillis par 

Publié le 27 juin 2024 à 10h27, modifié le 27 juin 2024 à 15h50

Temps de Lecture 4 min.

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Thomas Coutrot est chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales.

Chercheur associé à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) et auteur du « Bras long du travail » (Document de travail de l’IRES), Thomas Coutrot a mis en évidence des corrélations entre conditions de travail, vote et abstention.

On trouve nombre de travaux de recherche sur les liens entre vote et territoires, mais, étonnamment, il semble y avoir très peu de données sur le lien entre vote et expérience du travail, alors que c’est pourtant central dans le quotidien des gens…

L’idée que le travail puisse être déterminant des comportements électoraux n’est en effet pas du tout courante dans la littérature classique en science politique. C’est pourtant assez évident quand on y pense. Mais l’obstacle intellectuel vient du principe de subordination qui régit la relation salariale. C’est bien sûr revendiqué à droite, mais pas tellement contesté à gauche, on ne remet pas en cause ce rapport de subordination, comme si c’était dans la nature des choses que les gens acceptent d’obéir à des ordres et de laisser leur libre arbitre entre parenthèses pour que l’entreprise fonctionne. On ne réfléchit pas aux conséquences démocratiques de cet état de fait.

Pourtant, trois grandes expériences façonnent l’ethos politique, c’est-à-dire les valeurs, la conception que les gens se font des rapports entre les êtres humains : la famille, l’école et l’entreprise. Même Adam Smith, qui est un auteur libéral, mais qui avait une vision assez aiguë des enjeux moraux de l’économie, a évoqué l’impact négatif du travail répétitif sur l’intelligence ouvrière. Mais celle qui a été le plus loin sur le sujet est Carole Pateman, la théoricienne de la démocratie participative.

C’est elle qui théorise le « spill-over », ce débordement du travail sur le hors-travail…

Elle théorise bien la façon dont les rapports humains à l’intérieur d’une entreprise sont bien des rapports politiques, des rapports de commandement, de subordination, où certains décident pour les autres ce qu’ils vont devoir faire. Et ces rapports politiques ont des conséquences sur les représentations que les uns et les autres ont de leurs droits et de leurs devoirs dans la sphère publique.

Est-ce cette théorie que vous avez voulu mettre en évidence ?

L’idée m’est venue en écoutant l’économiste Daniel Cohen, qui présentait une étude du Cepremap [Centre pour la recherche économique et ses applications] sur le lien entre bien-être et vote. Il montrait que les électeurs du RN [Rassemblement national] étaient en moyenne plus malheureux que les autres. Je me suis dit : « Puisqu’on sait qu’un déterminant majeur du bien-être psychologique, c’est le travail, pourquoi ne pas regarder le lien entre les conditions de travail et le vote ? » J’ai construit des modèles économétriques à partir des données des enquêtes « conditions de travail » de la Dares [service des statistiques du ministère du travail] et de résultats électoraux communaux. C’était un pari, j’ai été très surpris de voir la force des résultats qui sont extrêmement significatifs.

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