Pas de festivités sur fond d’Hymne à la joie ni de drapeaux bleus étoilés déployés en majesté. A Györ, les 20 ans de l’entrée de la Hongrie dans l’Union européenne (UE) passent inaperçus. Dans cette ville située sur le Danube, à mi-chemin entre Vienne et Budapest, le scrutin européen du 9 juin mobilise moins les 130 000 habitants que les élections municipales prévues le même jour.
La seule référence manifeste à l’UE est l’œuvre du Fidesz, le parti de Viktor Orban, le premier ministre ultraconservateur. Placardée aux entrées de l’agglomération et bien en vue dans les espaces publics, l’affiche de campagne du parti met en scène Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission y est représentée installée dans un fauteuil, entourée des principaux représentants de l’opposition hongroise, « fidèles serviteurs de Bruxelles » en smoking et gants blancs. Chacun porte un plateau d’argent avec l’inscription « genre », « immigration » ou « guerre ».
Située dans le nord-ouest de la Hongrie, la partie la plus développée du pays, Györ, qui confirme à chaque élection sa réputation de place forte du Fidesz, a largement tiré parti de l’intégration européenne. Forte de 15 000 étudiants, l’université de la ville a été réalisée pour l’essentiel avec des fonds venus de Bruxelles. Idem pour les autoroutes reliant Györ aux trois capitales alentour (Vienne, Budapest et Bratislava) ou encore le canal du centre-ville, élargi afin que le Danube ne s’ensable pas.
Sans oublier la place Széchenyi rénovée avec soin pour donner du cachet au quartier piétonnier de cette cité typiquement austro-hongroise, aux façades jaunes et ocre, rendue depuis vingt ans à son charme baroque. Ici, le chômage ne dépasse pas 1,8 %, contre 4,2 % pour la moyenne nationale.
Audi, cœur battant de la prospérité de Györ
Jozsef Balogh, ancien maire de gauche de la cité (1994 à 2006), ne voudrait pas que l’on taxe Györ d’ingratitude. « Toutes les enquêtes d’opinion confirment que les Hongrois sont pro-européens, affirme-t-il. Le problème, c’est qu’ils sont devenus complètement passifs. Ou alors ils ont pris leurs distances ; sur près de 10 millions d’habitants, 700 000 sont partis travailler à l’étranger, comme l’ont fait mes propres enfants. »
Le cœur battant de la prospérité de Györ se déploie sur 370 hectares, à la sortie est de l’agglomération. « Et voici l’empire Audi, la plus grande usine de moteurs du monde ; même en Chine on ne trouve pas d’équivalent ! », lance Imre Pintér, président de la chambre de commerce, en nous faisant découvrir les lieux au volant de son break Audi A6. A Györ, même les voitures de police arborent les quatre anneaux de la marque du groupe Volkswagen. En activité depuis 1993, ce gigantesque ensemble industriel est installé sur le site occupé, du temps du bloc soviétique, par une usine de production de bus et de camions. L’arrivée du constructeur allemand a aimanté sur place de nombreux sous-traitants venus d’Europe de l’Ouest, voire d’outre-Atlantique.
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