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« “Souviens-toi de l’Afghanistan”, ou les leurres du reporting »

Les erreurs de jugement de l’état-major américain lors de son retrait d’Afghanistan invitent à se méfier de l’« usage fétichiste et bureaucratique des reportings » en entreprise, explique dans sa chronique, le professeur en sciences de gestion Armand Hatchuel.

Publié le 02 novembre 2021 à 06h00, modifié le 02 novembre 2021 à 11h42 Temps de Lecture 2 min.

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Entreprises. Après la retraite américaine d’Afghanistan durant l’été 2021, l’absence de résistance de l’armée afghane n’avait pas été anticipée par les rapports officiels. Peu de temps avant la défaite, ces derniers présentaient encore l’image d’une armée afghane bien formée et bien entraînée. En outre, sur la foi de ces constats, un armement abondant et moderne lui avait été fourni par l’armée américaine.

Ces faits n’ont pas échappé à la commission d’enquête du Sénat des Etats-Unis, qui a longuement interrogé les plus hauts responsables militaires sur les raisons d’une telle erreur de jugement (United States Senate, « Hearing to receive testimony on the conclusion of military operations in Afghanistan and plans for future counterterrorism operations », September 2021). Or, dans les explications rapportées lors de ces auditions, on retrouve tous les effets de leurre – bien décrits en sciences de gestion – qu’induisent un reporting et des indicateurs, lorsque ceux-ci ne s’appuient pas sur une réelle intelligence des réalités qu’ils sont censés décrire.

D’emblée, le secrétaire à la défense Lloyd Austin n’a pas caché que l’effondrement de l’armée afghane avait bien constitué une totale surprise et que cet événement révélait des « vérités inconfortables », qui n’avaient pas été prises en compte et demandaient à être mieux comprises. Partageant cette prise de position, le général Mark Milley, chef d’état-major, ne peut s’expliquer les faits que par le retrait des conseillers américains de l’armée afghane. Il a ajouté que l’on peut « compter les avions, les camions, etc. » mais qu’il n’est pas possible de « lire dans le cœur des soldats sans être là ».

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Et lorsqu’un enquêteur remarque que de nombreuses alertes sur le terrain contrastaient avec l’optimisme continuel des rapports officiels, ce fut au tour du général Kenneth McKenzie, commandant en chef, d’admettre qu’il « acceptait cette critique » et que le « décalage entre le terrain et la hiérarchie » méritait une enquête de fond pour y remédier.

Dérives et effets pervers

Les spécialistes de cette guerre contesteront peut-être ces explications. Mais elles correspondent étroitement aux dérives et aux effets pervers auxquels conduit un usage fétichiste et bureaucratique des reportings. Des phénomènes déjà bien observés dans tous les types d’organisation.

Car entre contrôleur et contrôlé, entre exécutant et dirigeant, aucun reporting ne peut se substituer au dialogue et à l’analyse critique des situations locales. En leur absence, le reporting change de fonction. Il n’agit plus comme un outil de partage des connaissances. Il tend à produire une image artificielle destinée à protéger la base et à rassurer des chefs peu enclins à comprendre le réel.

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