![Rodrigo Duterte, le 4 octobre, à Manille.](https://img.lemde.fr/2016/10/04/0/0/3178/2119/664/0/75/0/c349b92_5853165-01-06.jpg)
Il y a du Trump et du Chavez chez cet homme-là, mais lui préfère se comparer à Hitler. En trois mois à peine, Rodrigo Duterte, 71 ans, président des Philippines depuis le 30 juin, s’est taillé une réputation de bad boy qui dépasse largement les frontières de l’Asie du Sud-Est.
Grâce aux insultes qu’il lance au président Obama, au pape et aux Européens, sa notoriété est désormais planétaire. Les toxicomanes restent sa cible favorite, au sens propre et au sens figuré : il voudrait en liquider autant qu’Hitler a tué de juifs, dit-il. La transgression, chez lui, n’est pas un dérapage, c’est un mode de gouvernement.
Comme Donald Trump, il va toujours plus loin, ravi d’amuser la galerie parmi ses nombreux partisans, jubilant de scandaliser les autres. S’il lui arrive – rarement – de s’excuser, comme il l’a fait récemment à propos de sa remarque sur les juifs, c’est pour repartir de plus belle. Barack Obama a des réserves sur sa sanglante politique d’exécutions extrajudiciaires à grande échelle ? « Qu’il aille se faire foutre. »
Dans la région, on a d’abord regardé le nouveau président avec perplexité. « Chez nous, on a une certaine habitude des leaders philippins populistes et de leur goût du drame, explique un diplomate de haut rang d’un pays proche, mais celui-là, je dois dire, il appartient à une catégorie spéciale. »
La presse américaine tient un florilège des énormités de Duterte, enrichi quasi quotidiennement. Amnesty International s’inquiète de voir sa rhétorique tomber « de plus en plus bas ». Sa popularité, pour l’instant, reste, elle, élevée, au sein d’une population lasse du chaos semé par les trafiquants de drogue.
Le filon de la nation asservie
En réalité, ce qui préoccupe beaucoup plus l’administration Obama et les dirigeants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean), c’est la rupture que le président Duterte est en train d’amorcer avec les Etats-Unis, liés aux Philippines par un traité vieux de soixante-cinq ans et surtout par une solide alliance militaire.
Cette alliance n’existe pas que sur le papier : elle est entretenue par une active coopération entre militaires des deux pays, perçue par Washington comme l’un des piliers de la présence américaine dans la région afin de contrer les prétentions croissantes de la Chine.
Le bouillant président exploite à fond le filon de la nation asservie par la domination étrangère, à laquelle il promet fièrement de rendre son « indépendance ». « Aussi longtemps que je serai là, ne nous traitez pas comme un paillasson, parce que vous le regretterez, a-t-il menacé, vendredi 7 octobre, à l’adresse des Etats-Unis. Je ne parlerai pas avec vous. Je peux toujours me tourner vers la Chine. »
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