Tribune. Non, l’Union n’est pas en perdition. Au milieu des récifs, face au vent, elle aborde seulement de nouveaux rivages, passant à la recherche de son unité politique après avoir constitué le marché commun et introduit la monnaie unique. L’Union entre dans la troisième phase de son histoire, la plus difficile, et c’est pour cela que tout tangue à bord et que l’on prédit déjà le naufrage au lieu de voir la promesse de nouvelles terres.
Alors reprenons. La Commission a commis deux erreurs dans la vaccination des quelque 450 millions de citoyens européens. Ce n’est pas discutable mais qui se souvient que les traités ne font pas de la santé une compétence commune, que les souverainistes et tous les défenseurs des prérogatives et particularismes nationaux ne l’aurait pas accepté, que les institutions communes n’étaient en conséquence aucunement préparées à relever un tel défi, qu’elles l’ont pourtant fait et que leurs torts sont paradoxalement tout à leur honneur puisqu’elles ont, d’une part, refusé de payer des prix extravagants aux laboratoires et de les affranchir de toute responsabilité sanitaire et, d’autre part, laissé pendant deux mois la possibilité d’exporter des doses produites dans l’Union au nom d’une vision de la santé comme bien public mondial ?
Qui se souvient surtout que, grâce aux achats groupés, nous avons évité un chaos d’une tout autre dimension que les retards dont nous souffrons aujourd’hui, et qu’au demeurant nous sommes en train de rattraper ? C’est l’absence de négociation commune qui aurait vraiment menacé l’unité européenne, nous mettant dans une situation de confrontation et de concurrence permanente entre nos Etats et entre nos opinions publiques.
Cessons donc, si sérieux soient-ils, de préférer voir les accidents de parcours aux routes que l’Union défriche et cessons, surtout, de refuser l’évidence de la révolution en cours au Parlement, au Conseil et à la Commission.
Révolution radicale
Non seulement il n’y a plus de tabous sur la défense commune, la souveraineté européenne et les politiques industrielles communes mais la pandémie a précipité une révolution, certes silencieuse mais radicale, car l’Union sort à grands pas de ses dogmes d’hier et fait considérablement évoluer sa doctrine macroéconomique.
En ne répétant pas les erreurs commises lors de la crise financière de 2008, en en prenant même l’exact contre-pied, les Vingt-Sept définissent en effet un « consensus de Bruxelles », appelons-le ainsi, qui vient prendre le relais du vieux consensus de Washington parallèlement remis en question par les Etats-Unis eux-mêmes.
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