Tribune. Elles sont collégiennes, lycéennes, étudiantes, travailleuses précaires, mères célibataires, migrantes, sans-abri ou incarcérées. Ce sont peut-être nos sœurs, nos filles, nos amies, nos collègues ou nos voisines. Ces femmes sont victimes de ce que l’on nomme pudiquement la précarité menstruelle. Derrière ce terme se cache une réalité face à laquelle notre société a trop longtemps détourné le regard.
Dans le monde, près de 500 millions de femmes n’auraient pas les moyens de se procurer régulièrement des protections hygiéniques. En France, elles seraient près de 2 millions. Selon un sondage réalisé par OpinionWay pour l’association Règles Elémentaires, 57 % des Français interrogés estiment que les règles sont un sujet tabou, et 20 % des femmes déclarent avoir été confrontées une fois dans leur vie à la précarité menstruelle, faute de moyens.
L’omerta qui a longtemps entouré les règles – sans même évoquer les clichés qu’elles véhiculent encore aujourd’hui ou les ostracismes qu’elles peuvent continuer à générer – a dès lors longtemps masqué le coût qu’elles engendrent et, par ricochet, les inégalités qui en découlent.
Répercussions insidieuses
Il s’agit pourtant de produits de première nécessité, qui ne devraient constituer ni un luxe ni un dilemme. Des produits dont les 4,7 millions de femmes de notre pays vivant sous le seuil de pauvreté sont susceptibles de se priver chaque mois. Pour y remédier, nombreuses sont celles optant in fine pour des moyens de substitution, lesquels s’avèrent être, en réalité, des protections de fortune : chaussettes, éponges, papier hygiénique, coton, mouchoirs, etc. Autant de solutions bricolées et inadaptées qui peuvent leur faire courir des risques graves quant à leur santé. Les protections hygiéniques ne devraient pourtant pas être un choix ni un fardeau.
Cette réalité est inacceptable en France en 2021. Aucune femme ne devrait avoir à s’inquiéter pour sa prochaine protection hygiénique. En plus des risques sanitaires auxquels elle expose les femmes, la précarité menstruelle entraîne d’importantes répercussions psychologiques, sociales et professionnelles. Des répercussions plus insidieuses et généralement tues car enveloppées de honte, et qui mènent parfois à la dépression ainsi qu’à l’exclusion sociale.
Cette question, qui touche aux tréfonds de l’intimité, rejaillit dès lors dans la vie quotidienne. Enjeu de santé et de dignité, l’accès aux protections périodiques constitue tout autant un enjeu de solidarité et d’égalité des chances. Car cette précarité rime avec inégalités. Elle a un effet direct sur la réussite de la scolarité des collégiennes, lycéennes et étudiantes qui en sont les victimes – un impact susceptible de conduire à l’absentéisme voire à la déscolarisation.
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