Livres. Les confinements successifs, les couvre-feux, les restrictions de déplacement, les fermetures et réouvertures des commerces, les campagnes de vaccination, le passe sanitaire, le rôle nouveau des scientifiques dans les médias et les choix publics, la réorganisation de l’Etat et de la chaîne de décision, le rapport renouvelé au déficit public, la détresse du monde de la culture, les jeunes en manque de perspectives d’avenir, l’éducation nationale secouée, l’épuisement des personnels médicaux, les restructurations du monde du travail, la santé mentale mise à rude épreuve, les deuils et les morts par millions, l’absence de rites funéraires, le désarroi et l’incertitude généralisée…
Voilà le bilan, encore partiel et sans cesse alimenté, de la pandémie actuelle. Bref, la vie humaine, dans tous ses aspects (politique, social, économique, religieux, matrimonial, etc.), s’est métamorphosée, et ce à l’échelle mondiale, depuis le début de la crise sanitaire, qui est tout autant une crise économique et sociale.
C’est pourquoi la philosophe Marie Gaille, directrice de recherche au CNRS et directrice de l’Institut des sciences humaines et sociales au CNRS, et le sociologue Philippe Terral, professeur à l’université de Toulouse, qualifient la pandémie de « fait social total », reprenant l’expression passée à la postérité que le sociologue et anthropologue Marcel Mauss inventa en 1925 dans son Essai sur le don (Librairie Félix Alcan).
Optique pluridisciplinaire
L’ouvrage dirigé par les deux chercheurs passe cette « expérience collective mortifère » au peigne fin, dans toutes ses dimensions. Ils partent d’un postulat : pour appréhender la crise dans sa complexité, doivent être convoquées, aux côtés des sciences biomédicales, environnementales et des travaux de santé publique, l’ensemble des sciences humaines et sociales, dans une optique résolument pluridisciplinaire.
Mettant en pratique ce parti pris théorique, le livre décortique la façon dont les sociétés, les individus et les pouvoirs publics ont été bouleversés par la pandémie à différentes échelles (locale, régionale, transnationale, globale). Il sonde leur adaptation à la nouvelle donne sanitaire, les solutions qui ont progressivement émergé, tout en mettant en perspective historiquement et spatialement les constats.
Ils appréhendent aussi la crise actuelle comme un révélateur et un amplificateur d’enjeux sociétaux préexistants, tels que la fragilité du système de santé ou les inégalités entre les personnes et entre les territoires. Des enjeux plus ciblés sont également pointés, comme l’évolution des formes de socialisation et d’éducation des jeunes en temps de pandémie, cette « génération sacrifiée » dont les problèmes se prolongent sur le marché du travail.
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