La fin de cycle de notre système de santé est maintenant visible de tous : fermeture de services d’urgences hospitaliers, délais de rendez-vous allongés (sauf en cas de paiement de dépassement d’honoraires), non-acceptation de nouveaux patients, déserts médicaux qui s’étendent…
Mais il faut reconnaître que cette dégradation est à l’œuvre depuis vingt ans, tandis que l’Assurance-maladie est déficitaire depuis un tiers de siècle. Si le quinquennat passé a échoué à inverser la tendance, pouvait-on à la fois combattre le Covid-19 et réformer ? En même temps, cette crise sanitaire autorise à « renverser la table » autrement que par la rhétorique.
Passons la loi sur les 35 heures qui, de l’aveu même de Lionel Jospin, a eu un impact négatif sur l’organisation de l’hôpital public [en 2014]. La suppression de l’obligation des gardes et astreintes en 2003 a des effets dévastateurs, avec seulement 40 % des médecins généralistes qui y participent aujourd’hui, induisant la surcharge d’activité aux urgences hospitalières.
Culture administrative
En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST), grande réforme santé de Nicolas Sarkozy, instaura un seul patron à l’hôpital mais, contre toute attente, décréta que ce serait un administratif ! Ainsi, à rebours du monde anglo-saxon et de nos voisins européens, un non-soignant (donc sans légitimité scientifique) prendrait des décisions et arbitrerait entre des problématiques de recherche ou de haute technicité médicale.
Entre 2012 et 2017, pourfendeuse de la loi HPST, Marisol Touraine [ministre des affaires sociales et de la santé] a pourtant laissé la culture administrative engoncer le fonctionnement hospitalier dans un carcan de plus en plus lourd. Face à la dérive des finances hospitalières, quinze mille lits hospitaliers ont été fermés sans augmentation salariale significative pour les soignants.
Enfin, la technocratie a inventé en 2016 le groupement hospitalier de territoire (GHT), étendant à l’hospitalier le millefeuille territorial. Cette couche administrative supplémentaire n’a, selon un rapport de la Cour des comptes en 2021, pas produit de résultats significatifs.
Durant la période 2017-2022, alors que tous les clignotants étaient au rouge et que le temps du diagnostic était passé, Agnès Buzyn [ministre des solidarités et de la santé de 2017 à 2020] n’a pas pris de mesures fortes immédiates. Lorsque le plan santé a été annoncé fin 2018, il venait trop tard et n’était pas assez fort. Avec le Covid-19, le système de santé a bénéficié d’un effort financier colossal (du jamais-vu depuis des décennies). Mais le Ségur de la santé a échoué car il n’a pas lié l’indispensable réorganisation à l’effort financier alloué.
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