Des milliers de patients français atteints de maladies rares qui nécessitent un recours aux médicaments dérivés du plasma (MDP) issus de dons sont pénalisés par l’organisation de notre système de collecte, générateur de pénuries. Si d’autres pays européens ont pris des mesures efficaces pour augmenter les volumes de plasma collectés, en France, nous avons fait le choix de gérer ces pénuries, démontrant ainsi notre incapacité à interroger en profondeur un système dont les fondements datent de la seconde guerre mondiale.
Or, à ce jour, aucun traitement, ni médicament de synthèse, ne peut remplacer le plasma sanguin. Pour les personnes atteintes de maladies neurologiques, dysimmunitaires, hématologiques, métaboliques ou génétiques, l’incapacité chronique de notre « filière plasma » à s’adapter aux besoins des malades a pour conséquence une prise en charge thérapeutique génératrice de perte de chances pour les malades.
Ainsi, faute d’un accès suffisant aux MDP, le corps médical est conduit malgré lui à franchir une ligne rouge en matière d’éthique, en sélectionnant les patients qui seront traités et ceux qui ne le seront pas. Pire, on voit resurgir la prescription de molécules dans le seul but de limiter la consommation de MDP, ayant pour conséquences des effets indésirables graves.
Nous ne pouvons plus rester immobiles face aux vies dégradées, aux espoirs brisés, aux familles découragées par une situation inique pour les malades et intolérable pour les soignants. C’est un fait, les volumes de plasma actuellement collectés dans notre pays ne permettent pas de couvrir les besoins réels. L’autosuffisance française en MDP doit donc être redéfinie (car elle est utopique en l’état) et inclure l’ensemble des acteurs qui œuvrent dans ce secteur.
Chiffres éloquents
Changer notre modèle en profondeur est une nécessité si nous voulons cesser de bafouer le principe constitutionnel de l’égal accès aux soins sur l’autel de l’« éthique ». En France, le don de sang repose sur les principes d’anonymat, de bénévolat, de volontariat et d’absence de profit. Il est ainsi défini comme « éthique » ; personne ne remet cela en question. Toutefois, l’application restrictive des principes d’incitation au don, spécifique à la France, limite le nombre de donneurs et, mécaniquement, prive les malades de traitements. Le ministre de la santé et de la prévention a lui-même lancé un appel aux dons et fait part de ses inquiétudes, le 5 janvier dernier.
Les chiffres sont éloquents. L’Hexagone compte près de 67 millions d’habitants et, selon l’Etablissement français du sang (EFS), seulement 0,2 % des citoyens réalisent au moins un don de plasma par an. Alors que 29,3 % des donneurs sont âgés de 45 à 55 ans, les jeunes entre 18 et 35 ans sont ceux qui donnent le moins, témoignant ainsi de leur désintérêt pour le don de plasma.
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