Le récent épisode des bras d’honneur du ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, à l’Assemblée nationale nous permet de revenir à quelques questions fondamentales à propos du lien des citoyennes et des citoyens avec la politique. Le manque de courtoisie, les propos offensants, les gestes d’humeur ne sont ni une nouveauté ni une particularité française, même si notre pays n’est pas en reste sur ce sujet.
Si le garde des sceaux n’est ni le seul ni le premier membre du gouvernement à laisser déborder ses sentiments dans l’enceinte parlementaire, et si des exemples comparables existent dans d’autres pays européens (les débats sur le Brexit à Westminster ont donné lieu à quelques scènes assez étonnantes), la symbolique du geste reste forte et a sans doute échappé à son auteur, dont le parcours professionnel et politique atteste largement son engagement civique.
Par un curieux paradoxe, c’est un éminent défenseur du droit et de la présomption d’innocence qui envoie un geste pouvant être interprété comme désinvolte, voire impoli, à un représentant du peuple et de l’Assemblée, le lieu de fabrication de la loi. Les longues et difficiles heures de débats à l’Assemblée nationale ces dernières semaines ont sans doute joué leur rôle dans ce débordement. Le ministre s’est excusé, a livré ses explications et plaidé sa cause. Soit. Une fois passé l’orage, on peut essayer de prendre du champ et de réfléchir à ce que cet épisode traduit de notre vie politique.
Parole politique asséchée
Si le garde des sceaux est relativement neuf en politique (cela fait moins de trois ans qu’il est ministre), on ne peut, en effet, réduire cet épisode à une simple faute de carre d’un novice, d’autant qu’il s’agit d’une personnalité très habituée des institutions.
S’il s’agit, alors, de quelque chose de plus significatif, de quoi ce geste parle-t-il, et de quoi est-il le nom ? Si les images sont brèves, elles résonnent fort dans une France qui peine à retrouver le chemin de la confiance politique et dont le niveau de conflictualité politique reste élevé.
On ne peut en effet détacher l’incident qui s’est produit d’un contexte plus général : débats tendus à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, parfois agrémentés de fortes montées dans le registre des émotions, voire de propos violents, pouvoir exécutif à la peine pour faire adopter cette réforme par le Parlement, sentiment d’impasse entre le pouvoir convaincu de ses bonnes raisons de réformer et un pays qui n’adhère pas à cet argumentaire.
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