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« La saveur n’a plus la cote. On lui préfère la valeur »

Le chercheur en finance Karl Eychenne s’interroge, dans une tribune au « Monde », sur l’usage par les décideurs de l’argument de la « valeur économique » des êtres vivants pour traiter des questions de santé, d’environnement… ou de retraite.

Publié le 30 avril 2023 à 11h00, modifié le 30 avril 2023 à 11h00 Temps de Lecture 4 min.

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Mettez un billet de 50 euros dans la bouche, et vous verrez la différence entre valeur et saveur. Aujourd’hui la saveur n’a plus la cote. On lui préfère la valeur, plus proche des réalités du quotidien. Elle vampirise tout ce qu’elle trouve sur son passage. La crise sanitaire nous a révélé à quel point le concept de valeur d’une vie faisait partie du langage ordinaire en économie de la santé. La crise climatique nous a appris que le calendrier des réformes à mener était aménagé en fonction de la valeur estimée de notre planète. La « crise des retraites » nous rappelle que la valeur d’une fin de vie pépère dépend des conditions économiques à venir.

La valeur est donc protéiforme, mais son mode opératoire est toujours le même : elle classe, trie, et tranche. Sec mais efficace. Drapé d’un formalisme séduisant, elle devient un outil redoutable au service du décideur, pour le meilleur et pour le pire. Par exemple lorsqu’on s’interroge sur la valeur à donner la vie. Et pourquoi pas une valeur à la mort, tant qu’on y est ? On y est, en fait.

Durant la crise sanitaire, la réflexion sur le degré de confinement à adopter fut posée en ces termes par une partie de la recherche académique : si vous confinez trop, vous faites trop baisser le PIB ; mais si vous confinez trop peu, vous faites trop mourir les gens.

Calculer le manque à gagner d’un mort

Le cadre formel utilisé par les articles de référence permettait alors de dresser une frontière efficiente (chère à la finance), arbitrant les meilleures allocations possibles entre unités de vies sauvées et unités de PIB sauvées (« Cost-Benefit Analysis of Age-Specific Deconfinement Strategies », Christian Gollier, Ecole d’économie de Toulouse, 2020 ; « A Multi-Risk SIR Model with Optimally Targeted Lockdown », Daron Acemoglu, Victor Chernozhukov, Ivan Werning et Michael Whinston, Working Paper n° 27102, NBER, 2020). Tout angélisme est fortement déconseillé en la matière. Néanmoins, on a le droit de tiquer un peu.

Lire aussi l’entretien avec le philosophe Jean-Pierre Dupuy : Article réservé à nos abonnés Jean-Pierre Dupuy : « Si nous sommes la seule cause des maux qui nous frappent, alors notre responsabilité devient démesurée »

Il est vrai qu’un mort étant démis de ses fonctions, il est cordialement invité à ne plus exercer. Il n’a plus de valeur en ce bas monde puisque ses potentialités lui sont confisquées par la grande faucheuse qui a d’autres projets pour lui. On calcule alors le manque à gagner d’un mort devenu inapte à la production. Relevons qu’un retraité présente les mêmes caractéristiques, on pourrait presque s’y tromper…

Cette valeur de la vie calculée comme la somme des potentialités futures est d’ailleurs aussi l’approche utilisée par ceux qui débattent de l’angoisse de la mort. La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? La mort est jugée bonne ou mauvaise en fonction de la privation d’un avenir désirable ou pas.

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