En 2021, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, l’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie de 1 093 enquêtes judiciaires. L’infraction la plus fréquente sur laquelle la police des polices a œuvré reste l’usage de la force, avec 510 enquêtes ouvertes, soit 47 % des enquêtes judiciaires. Pour mémoire, le service a prononcé 1 678 sanctions (administratives et judiciaires) en 2019, dont 39 exclusions définitives, 900 avertissements et 595 blâmes.
Bien que Brigitte Jullien, l’une de ses anciennes cheffes, ait affirmé que les policiers dans leur ensemble « craignent l’institution » – ce qui est vrai – et que « la définition d’indépendance s’applique à l’IGPN », il est aujourd’hui patent que la population doute de l’impartialité de ce service. L’argument le plus souvent avancé étant que des policiers qui poursuivent des policiers finissent toujours par « laver leur linge sale en famille », au détriment des justiciables. Or, le sociologue Sébastian Roché expliquait sur Franceinfo en 2020 : « Si les gens n’ont pas confiance dans le régulateur, ce système censé garantir le comportement des agents et sa conformité aux principes de liberté et d’égalité, il ne peut pas fonctionner. »
Face aux critiques récurrentes et fortes, en juillet 2022, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a décidé de nommer à la tête de l’inspection Agnès Thibault-Lecuivre, une magistrate (elle était précédemment directrice adjointe du cabinet du ministre de l’intérieur), pour remplacer la commissaire de police Brigitte Jullien. Afin de regagner pleinement la confiance des citoyens, l’organe de contrôle de la police doit-il s’ouvrir davantage encore à des éléments extérieurs, en intégrant des citoyens, des parlementaires ? Jusqu’à ne plus comporter de policiers ?
Impartialité de l’enquête
Cette solution extrême n’est pas souhaitable, car l’environnement technique et professionnel ainsi que la pratique de la police sont d’une telle complexité, d’une telle spécificité, voire d’une telle opacité, que seuls des policiers sont capables de s’y retrouver. Un organisme de contrôle qui ne serait composé que de membres extérieurs à l’institution policière verrait probablement ses enquêtes vouées à l’échec.
Aussi convient-il de trouver un juste équilibre, en plaçant les policiers enquêteurs de l’IGPN sous la surveillance d’un organe externe à la profession, qui reste partie intégrante du service. La création d’une commission, composée de magistrats, de parlementaires et de citoyens dûment habilités, placée auprès de la direction de l’IGPN pourrait être envisagée. Nonobstant, l’impartialité de l’enquête ne peut naître que de l’incontestable neutralité de ceux qui en ont la charge.
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