Nous vivons dans un monde marqué par une inégalité d’accès aux médicaments entre les pays du Nord et ceux du Sud. Cette réalité s’est vérifiée pendant la pandémie de Covid-19. Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, l’a fait remarquer à Emmanuel Macron lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial en juin à Paris.
M. Ramaphosa a ainsi rappelé la monopolisation par les pays du Nord des vaccins pendant la pandémie et leur refus d’en fournir aux Etats africains « au moment où [ils] en av[aient] le plus besoin ». Il a également signalé l’« énorme résistance » de la part de l’Organisation mondiale du commerce lorsque les pays africains ont exprimé leur volonté de produire leurs propres médicaments. Ce qui soulève, selon lui, les questions suivantes : les profits des grandes entreprises pharmaceutiques sont-ils plus importants que la vie ? Et la santé des populations du Nord est-elle plus importante que celle des populations du Sud ?
Nous vivons dans un monde où, en effet, les firmes pharmaceutiques font le maximum de bénéfices sans tenir compte des besoins des pauvres. Dès lors, des millions de personnes vivant dans des régions à faible revenu meurent chaque année parce que les remèdes à leurs maladies ne sont pas développés ou sont commercialisés à des prix inabordables. L’indisponibilité de médicaments dans ces régions est en partie due aux règles encadrant l’innovation pharmaceutique : celles-ci autorisent les innovateurs à breveter leurs produits pour une durée de vingt ans. Ces monopoles incitent à l’innovation, mais se traduisent par des prix exorbitants.
La santé mondiale pourrait être grandement améliorée si les technologies médicales étaient déployées plus efficacement. Une manière d’y parvenir consiste à créer des incitations fortes qui lient les primes de développement, de production et de distribution de médicaments aux gains de santé réalisés. Nous proposons la création d’un fonds d’impact sanitaire (FIS) international financé par les pouvoirs publics qui allouerait chaque année une somme fixe importante. Le FIS coexisterait avec le régime actuel des brevets et conduirait les innovateurs pharmaceutiques à donner la priorité aux maladies graves concentrées parmi les populations pauvres et contre lesquelles les gains de santé les plus rentables peuvent être atteints.
Céder des licences gratuites
Le FIS pourrait être lancé avec des dotations annuelles de l’ordre de 2 milliards d’euros. Tout innovateur qui enregistre un médicament auprès du FIS recevrait ensuite, au cours des dix années suivantes, une rétribution annuelle correspondant à ses gains de santé réalisés sur l’ensemble des médicaments enregistrés au cours de l’année précédente. En contrepartie, l’innovateur accepterait de vendre le médicament enregistré sans augmentation de prix ou de céder à d’autres des licences gratuites. Ceux qui enregistrent un médicament auprès du FIS resteraient libres de pratiquer, dans les pays riches non contributeurs, des prix élevés. Ce qui donnerait une raison supplémentaire aux innovateurs d’enregistrer leurs produits auprès du FIS et aux pays riches d’adhérer au partenariat de financement.
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