Alors que se précise le risque d’une réélection de Donald Trump et d’un retrait des Etats-Unis de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), plusieurs dirigeants d’Etats membres de l’Union européenne (UE) appellent les Européens à prendre ensemble la responsabilité de leur défense face à la menace russe. Ce qui ressemble à une évidence relève, à la réflexion, du pari pascalien, tant un désengagement américain constituerait un séisme d’une magnitude inconnue sur l’échelle des crises européennes. Le succès retentissant, en près de trois quarts de siècle, du projet européen a en effet oblitéré un enseignement de l’histoire : l’Alliance atlantique et l’UE sont sœurs siamoises. Le délitement de l’une emporterait des conséquences systémiques pour l’autre.
Certes, l’issue du scrutin reste incertaine et, même dans l’hypothèse d’une victoire du candidat républicain, le sort du couplage de sécurité entre les Etats-Unis et l’Europe – incarné par l’OTAN – n’est pas tranché, veulent croire les plus optimistes. Trump, dont l’inclination aux procédés transactionnels est connue, pourrait se contenter de jouer du levier de l’assurance de sécurité pour extraire un maximum de concessions de la part des Européens, notamment sous forme d’achat d’armements.
Par ailleurs, une loi votée par le Congrès en décembre 2023 subordonne à un vote à la majorité des deux tiers du Sénat un retrait unilatéral des Etats-Unis de l’OTAN. Mais le couplage de sécurité transatlantique n’est pas seulement institutionnel, il repose aussi sur la crédibilité de l’assurance accordée par la puissance américaine, d’autant plus que l’article 5 du traité n’emporte pas d’automaticité d’action collective en cas d’attaque armée contre un membre, mais laisse à chaque Etat la liberté d’appréciation quant aux mesures à prendre. Le rôle performatif du discours présidentiel, mais aussi la relation particulière que Donald Trump a entretenue avec Vladimir Poutine, et la tournure qu’elle pourrait reprendre à l’avenir sont donc de nature à affaiblir significativement cette crédibilité.
Aux fondements mêmes du projet européen
Sans aller jusqu’à un constat de « mort cérébrale » de l’OTAN, un tel affaiblissement, quand bien même il ne serait pas brutal mais progressif, placerait l’UE devant son « moment machiavélien ». Une véritable Europe de la défense, cimentée par un sens du danger, pourrait ainsi, selon certains scénarios, voir le jour, dans le cadre d’ailleurs prévu par le traité de Lisbonne, qui fait référence à la possibilité d’une « défense commune ».
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