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Fin de vie : « Il nous faut déjà apprendre des manières de mourir plus modestes, plus sobres, à l’encontre des acharnements thérapeutiques dispendieux »

Dans une tribune au « Monde », le philosophe et théologien protestant Olivier Abel souligne les limites du débat actuel sur l’aide active à mourir. Selon lui, l’opinion peine à saisir « le tragique » auquel sont confrontées nos sociétés vieillissantes.

Publié le 25 mars 2024 à 07h00, modifié le 27 mars 2024 à 12h51 Temps de Lecture 4 min.

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Avant d’en venir aux questions soulevées par le projet de loi sur l’« aide à mourir », il est bon de les replacer dans leur contexte plus global. Que faisons-nous de la mort dans nos sociétés ? Il me semble que nous devons faire face à trois problèmes distincts, dont le troisième a hélas pris le dessus et occulte les deux autres, que je souhaite néanmoins commencer par rappeler.

D’abord, nous sommes des sociétés où il y a eu beaucoup de naissances et nous aurons, à terme, forcément, beaucoup de morts. Ce basculement pose un problème inédit qui n’est pas seulement celui du vieillissement : comment allons-nous faire pour mourir si nombreux ? On peut redouter un temps où les humains mourront en masse, sans pouvoir bénéficier de beaucoup de présence ni de soin. On l’a senti dans les semaines les plus dramatiques de l’épidémie de Covid-19, mais cela peut prendre d’autres visages, comme la famine ou la guerre. Nous n’en sommes pas là, mais il nous faut déjà apprendre des manières de mourir plus modestes, plus sobres, à l’encontre des acharnements thérapeutiques dispendieux.

Ensuite, nous devons avoir conscience que nul ne peut prendre soin de soi tout seul d’un bout à l’autre de la vie. Or, cela va à l’encontre de notre idéal d’autonomie et d’émancipation : là où nous cherchions l’indépendance, nous découvrons nos mutuelles interdépendances. Cette question est aggravée par le vieillissement de la population qui augmente la proportion de solitaires. La professionnalisation des soins ne parvient pas à compenser cette « solitude volontaire » dans laquelle nous nous sommes massivement placés.

Le troisième problème est que l’augmentation de nos capacités techniques n’a cessé d’élargir la sphère de ce que nous pouvons et devons choisir. D’où le poids angoissant de responsabilités inédites. Les enfants n’arrivent plus, nous les faisons arriver. De même la mort n’arrive plus et, de plus en plus, nous décidons du moment où nous cessons les soins.

« Flou complet »

Mais là, justement, est le tragique : le mourant est entre d’autres mains que lui et dépend de ce que nous faisons de lui. C’est pourquoi nous aimerions des normes, des solutions juridiques, pour nous protéger de cette angoisse. On le voit aux réactions au projet de loi : le clivage de l’opinion sur ces questions est d’autant plus profond qu’elle refuse d’intérioriser ce tragique, qu’aucune loi ne fera taire. La loi peut simplement l’apaiser en l’installant dans le dissensus ordinaire. Le juriste Jean Carbonnier écrivait : « Entre deux solutions, préférez toujours celle qui exige le moins de droit et laisse le plus aux mœurs et à la morale. » Qu’attendons-nous de la loi ? Le droit n’a pas pour mission de donner des règles censées faire taire nos angoisses, mais d’entendre et de faire entendre les plaintes, même les plus discordantes, d’autoriser le conflit des plaintes.

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