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« Pour qui voteraient aujourd’hui Hamlet, Ulysse, Emma Bovary, et même Don Quichotte, qui forme un cas à part ? »

William Marx, le titulaire de la chaire Littératures comparées au Collège de France, souligne, dans une tribune au « Monde », que le génie de Cervantès est de laisser « le lecteur électeur libre de son choix », un point commun avec la démocratie.

Publié le 27 juin 2024 à 08h00 Temps de Lecture 4 min. Read in English

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Il est un peu vain, sinon aberrant, de se demander quelles sont les préférences politiques des grands héros de romans, d’épopées ou de pièces de théâtre. Pour qui voteraient aujourd’hui Panurge, Hamlet, Ulysse, Emma Bovary ou Jacques le Fataliste ? Les conditions politiques et sociales actuelles, le régime démocratique et républicain, la division même entre droite et gauche n’ont rien à voir avec la vie et les idées des temps anciens. Souvent, les auteurs ne fournissent pas de matière suffisante pour qualifier l’orientation politique de leurs personnages. La surinterprétation s’ajoute à l’anachronisme et l’aggrave.

Il n’en va pas tout à fait de même pour Don Quichotte, qui forme un cas à part. L’œuvre est aussi complexe que monumentale. Elle a traversé les siècles en s’enrichissant à chaque époque de sens nouveaux. L’Espagne en a fait un emblème national. Surtout, les deux héros du roman tiennent des discours et accomplissent des actes de nature éminemment politique.

Le vote de Sancho Panza est le plus facile à déterminer. Fraîchement promu écuyer et enrôlé au service de Don Quichotte sur la foi de promesses mirobolantes, il ne cesse d’en réclamer la réalisation ainsi que le salaire qui lui est dû. Il proteste amèrement contre un système d’exploitation dont il est la sempiternelle victime : c’est son côté syndicaliste et « gilet jaune ».

Capital identitaire

L’ancien valet de ferme est pétri de sens commun et de préjugés conformes à sa classe sociale. Privé de capital matériel, il se raccroche au capital identitaire et à son appartenance religieuse et nationale. Se targuant, face aux convertis de tout bord, d’être chrétien de souche (« vieux-chrétien »), il se montre antisémite, négrophobe et islamophobe, ce qui ne l’empêche pas, comme tout raciste qui se respecte, d’avoir un bon ami morisque (musulman converti au christianisme) qu’il va généreusement secourir.

Quand il obtient presque miraculeusement le gouvernement d’une île, il se proclame « bien décidé à nettoyer cet archipel de tous ses vagabonds, ses fainéants et ses voleurs ». Et il ajoute : « Les désœuvrés et les paresseux sont dans la ville comme les bourdons dans la ruche, qui mangent le miel fait par les abeilles laborieuses. Mon intention est de venir en aide aux paysans, de laisser aux gentilshommes leurs privilèges, de récompenser les gens vertueux, et surtout de respecter la religion et d’honorer les hommes d’Eglise. »

Chasser les SDF, les étrangers et tous ceux qu’on accuse de voler le fruit du travail des honnêtes gens, respecter les puissances établies et la religion nationale : on croirait lire le programme d’une extrême droite conservatrice.

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