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« Macron en est venu à croire que, par sa parole, il pouvait créer des occasions, voire des moments décisifs, et que l’intendance suivrait »

La trajectoire politique du président de la République s’inscrit entre deux kairos, deux instants décisifs, celui qui l’a amené au pouvoir en 2017 et celui qu’il a provoqué le 9 juin et qui ne peut guère conduire qu’à sa propre « dissolution », analyse l’historien François Hartog, dans une tribune au « Monde ».

Publié le 28 juin 2024 à 06h00 Temps de Lecture 2 min.

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En mai 2017, un journaliste m’interrogeait sur la notion de kairos à propos de l’élection inattendue d’Emmanuel Macron, élu par « effraction », comme il l’a lui-même reconnu. Par kairos, les anciens Grecs désignaient, en effet, l’occasion, l’instant décisif : savoir repérer le kairos est à la fois une affaire de coup d’œil et de préparation ou d’expérience. C’est le coup d’œil de l’aigle sur le champ de bataille, celui qu’illumine le « soleil d’Austerlitz », mais, si arrive Blücher au lieu de Grouchy retardé dans sa marche, c’est Waterloo. Le temps (chronos) reprend ses droits, le kairos change de camp, et c’est la débâcle.

En 2017, Macron avait su saisir aux cheveux l’occasion qui se présentait, alors même qu’il n’était pas censé gagner. Mais, par son entêtement, François Fillon, bien malgré lui, l’avait aidé ! Ce que furent les sept années d’un exercice solitaire du pouvoir n’est pas mon propos, sauf pour relever que ce président, qui se voulait jupitérien et maître des horloges, a de plus en plus cédé au présentisme, multipliant les occasions de répandre, sous tous les formats et jusqu’à l’incontinence, la parole présidentielle, au motif que seule elle pouvait répondre toujours plus vite aux crises et aux urgences qui ne cessaient de s’accumuler.

Mais, plus il voulait ou croyait sa parole performative, plus il était accusé par ses opposants d’être « déconnecté ». Car c’est seulement pour les dieux que dire et faire sont tout un : puisque nul décalage ou retard ne se glisse entre les deux, puisque leur temps n’est pas le temps chronos des humains, celui qui passe, qui s’étire entre passé, présent et futur. Ils évoluent dans une sorte de perpétuel kairos. Insensiblement, l’hubris aidant, Emmanuel Macron en est venu à croire que, par sa parole, il pouvait générer du kairos, qu’elle suffisait à créer des occasions, voire des moments décisifs, et que le temps chronos, tout comme l’intendance, suivrait.

Réalités du terrain

Le 9 juin au soir, l’annonce, contre toute attente, de la dissolution de l’Assemblée nationale marque le point d’orgue de cette pratique de la parole performative. En un instant, il a assurément produit un moment décisif, un kairos qui, pensait-il, lui redonnerait l’avantage et, d’abord, celui du choix du champ de bataille, après la lourde défaite (pourtant annoncée) aux élections européennes. Mais l’effet de surprise ne dura guère, le kairos, conçu en chambre à l’Elysée, ne résista pas aux réalités du terrain et, moins encore, aux calculs des états-majors et des briscards des batailles électorales. De ce kairos qui leur était offert, ils se saisirent pour l’inscrire dans le temps chronos d’une campagne et dans le déroulé de programmes de gouvernement plus ou moins mirifiques.

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