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« Le déséquilibre béant de nos interdépendances commerciales avec la Chine constitue un risque pour la résilience de nos économies »

En partenariat avec le Mercator Institute for China Studies de Berlin, l’économiste François Chimits détaille, dans une tribune au « Monde », la dépendance de l’Union européenne aux importations chinoises, à l’heure où les échanges commerciaux deviennent une arme de la rivalité géopolitique.

Publié le 05 juillet 2024 à 04h30, modifié le 05 juillet 2024 à 18h35 Temps de Lecture 8 min.

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Après des décennies d’approvisionnement sans accroc, les Européens ont connu, en quatre ans, une succession de difficultés à pourvoir des besoins pourtant jugés relativement basiques dans les économies avancées. Après les masques sanitaires, ce furent les produits électroniques puis les matériaux de construction, suivis de certains produits alimentaires, avant, plus récemment, quelques médicaments.

Dans le même temps, le continent européen a vu la Russie et la Chine sciemment restreindre leur accès à des intrants essentiels, le gaz dans le premier cas et certains minéraux critiques dans le second. Autant d’événements qui, dans un environnement de tensions géopolitiques accrues aux airs de nouvelle normalité, ont remis la question des dépendances commerciales sur le devant de la scène.

Forte de sa puissance exportatrice sans comparaison, la Chine occupe une place centrale dans ces inquiétudes. Sa tendance singulière à mobiliser les interdépendances économiques internationales pour sanctionner les partenaires contrevenant à ses intérêts géopolitiques, aussi appelée « arsenalisation » (ou weaponization, en anglais), renforce cette centralité.

La ministre des affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, a souligné, le 5 mai, lors d’une visite en Australie, l’importance d’éviter de renouveler avec les biens provenant de Chine l’erreur commise avec la dépendance au gaz russe, réitérant des craintes évoquées dès 2022 par son collègue chargé de l’économie, Robert Habeck. Emmanuel Macron parlait, à la même époque, de « prise de conscience » à l’égard des dépendances aux produits étrangers.

Au-delà des fantasmes et des craintes, que disent les chiffres ? Pour apporter de premiers éléments de réponse, le Mercator Institute for China Studies (Merics) de Berlin a développé une base de données annuelle des dépendances bilatérales à l’importation, couvrant la période de 2000 à 2022.

Pour chaque pays ou zone commerciale, les données de commerce fournies par les douanes ont été passées au crible. Un pays est dit « dépendant » d’un autre pays pour un bien donné si le déficit vis-à-vis de ce pays sur ce bien est important, si cet autre pays est un fournisseur majeur de ce bien pour le pays importateur, et si le nombre de fournisseurs alternatifs pour ce bien est limité.

Méthodologie

La base de données sur les dépendances commerciales établie par le Mercator Institute for China Studies (Merics), la Merics Trade Dependency Database, permet d’établir pour chaque pays ou zone commerciale dans le monde la liste des produits importés pour lesquels ce pays (ou cette zone) est dépendant d’autres pays (ou zones), ainsi que l’évolution de cette liste entre 2000 et 2022.

Trois critères de « dépendance » ont été appliqués aux 5 113 catégories de biens recensées de façon harmonisée par les douanes du monde entier depuis 1996. Un pays est dit « dépendant » d’un autre pays pour un bien donné si, premièrement, les importations de ce pays sont deux fois supérieures aux exportations vers le pays d’où il est importé ; deuxièmement, si le pays fournisseur représente une part supérieure à 30 % du total de ses importations du produit considéré ; troisièmement, si le nombre de pays tiers aptes à fournir ce produit est faible, c’est-à-dire lorsque l’« indice de concentration de marché Herfindahl-Hirschman », établi à partir du nombre d’entreprises fournissant un bien ou un service, est supérieur à 0,25. Enfin, afin de lisser les éventuels soubresauts des flux commerciaux, cette méthodologie est appliquée aux données agrégées des deux dernières années de commerce.

Sur la base de cette méthodologie, la dépendance de l’Europe est clairement devenue, en deux décennies, un sujet principalement chinois. En 2002, les produits de ce pays représentaient 28 % des importations pour lesquelles l’Union européenne (UE) était dépendante – et 15 % de la valeur de ces importations. Vingt ans plus tard, ils en représentaient 60 % en nombre et 75 % en valeur. Pour 421 produits représentant un montant d’importations de 271 milliards de dollars (250 milliards d’euros), les Européens ont un besoin essentiel de produits chinois.

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