LETTRE DE SYDNEY
Pour aller au bout de la provocation, les jeunes ont filmé leur délit et diffusé les images en direct sur les réseaux sociaux. Le rodéo nocturne d’abord, en plein centre-ville d’Alice Springs, avec trois voitures volées : un pick-up et deux 4 × 4 flambant neufs. Puis l’arrivée du véhicule de police. Et enfin, sa prise en chasse par l’un des pick-up, les passagers assis sur les rebords des vitres, tendant leurs poings en signe de défiance.
Cette scène de violence a choqué dans une Australie considérée comme l’un des pays les plus sûrs au monde. Mais elle est presque devenue banale dans le « cœur rouge » du continent, en proie à une explosion de la criminalité depuis la fin de l’interdiction de l’alcool dans les communautés aborigènes, en juillet 2022.
A tel point qu’après avoir longtemps rejeté une « politique fondée sur la race », touchant exclusivement les communautés et camps urbains indigènes, la ministre en chef du Territoire du Nord, Natasha Fyles, s’est résolue, lundi 6 février, à réinstaurer ces interdictions, le temps de trouver des solutions. « Nous créons un coupe-circuit (…) jusqu’à ce que les communautés puissent développer et voter des plans de gestion de l’alcool », a-t-elle expliqué après avoir reçu les recommandations d’une mission d’expertise.
Dans son rapport, cette dernière relève une forte augmentation des délits commis en état d’ébriété : des agressions (+ 79,4 % sur les douze mois allant jusqu’à novembre 2022 par rapport à la même période en 2019), des violences conjugales (+ 96,7 %) ou encore des infractions contre les biens (+ 82 %). Les habitants racontent quant à eux les bagarres, parfois à coups de hache, qui se multiplient à la tombée de la nuit. Les grappes d’adolescents et d’enfants désœuvrés qui s’accrochent à des bouteilles bon marché voire à des cocktails à base de gel sanitaire. Et la peur qu’ils ont de se faire agresser, jusque dans leurs maisons.
« Honte nationale »
Face à la détérioration de la situation, le maire de la ville, Matt Paterson, a lancé un appel à l’aide, dès le 16 janvier, demandant au gouvernement fédéral de prendre toutes les mesures nécessaires, quitte à envoyer l’armée. L’opposition conservatrice lui a immédiatement emboîté le pas, dénonçant une « honte nationale ». Finalement, le premier ministre travailliste, Anthony Albanese, s’est envolé pour Alice Springs, le 24 janvier, où il a annoncé de fortes restrictions sur les ventes d’alcool dans toute la ville mais aussi une enveloppe de 250 millions de dollars australiens (162 millions d’euros) destinés à créer davantage d’emplois, à améliorer les services de santé ou encore à lutter contre l’absentéisme scolaire.
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