« Tu veux que je nous débarrasse de ce connard ? », hurle un soldat avant de mettre en joue un homme, dans un champ de blé. Quelques secondes plus tard, il l’abat de trois balles. Son camarade n’a pas eu le temps de répondre. Selon l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), la chaîne publique qui a diffusé ces images dans son magazine d’investigation « Four Corners », en mars 2020, les faits se seraient déroulés en 2012, dans le sud de l’Afghanistan. Le tireur, désigné à l’époque sous le nom de « soldat C », serait Oliver Schulz, un ancien des forces spéciales australiennes.
Son identité a été révélée par ABC, lundi 20 mars, quelques heures après son arrestation par la police fédérale et son inculpation pour « crime de guerre/meurtre ». Ce vétéran sera le premier membre des Forces de défense australiennes (ADF), actuel ou ancien, à être renvoyé devant un tribunal civil pour de tels faits et à être jugé en vertu du droit australien. Il risque la prison à vie. D’autres pourraient finir derrière les barreaux après l’enquête pénale menée par le bureau de l’enquêteur spécial, chargée de faire la lumière sur de possibles exactions commises par des militaires de l’ADF, entre 2005 et 2016, en Afghanistan. Il travaille actuellement sur plus d’une quarantaine d’incidents.
« Un premier pas important »
« Pendant des décennies, les victimes de violations des droits humains lors du conflit en Afghanistan se sont vu refuser toute possibilité qu’on leur rende des comptes », a déclaré, lundi, Fiona Nelson, du Centre australien pour la justice internationale, en saluant un « premier pas important ». L’Australie est un Etat partie au Statut de Rome, le traité qui a créé la Cour pénale internationale pour poursuivre et juger les personnes accusées de crimes de guerre. « Dans ce cadre, elle doit s’assurer que ses ressortissants, accusés d’avoir commis de tels crimes, soient poursuivis par son système judiciaire, explique Donald Rothwell, professeur de droit à l’Université nationale australienne. Le fait qu’elle ait entrepris d’agir peut donner l’exemple à d’autres pays, qui sont intervenus en Afghanistan ou en Irak, et qui seraient confrontés au même problème. »
L’île-continent, dont 26 000 hommes ont combattu en Afghanistan aux côtés des forces américaines et alliées après les attentats du 11 septembre 2001, a commencé à s’interroger sur les agissements de ses troupes d’élite en 2017, à la suite de la publication d’une série d’articles, les « Afghan Files » (les « dossiers afghans »), par ABC. Sur la base de documents militaires confidentiels, ils relataient des meurtres d’hommes et d’enfants non armés. Trois ans plus tard, le documentaire Killing Field, diffusé par « Four Corners », a provoqué un électrochoc dans le pays en montrant des images d’Afghanistan, filmées à partir des caméras fixées sur des casques de soldats.
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