LETTRE D’OCÉANIE
Sur une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, fin août, des guerriers tribaux traînent trois corps nus, les pieds ligotés par des lianes, à l’arrière d’un pick-up. Ces cadavres ont été identifiés comme étant ceux de mercenaires, tués alors qu’ils se préparaient à mener une attaque dans la province d’Enga, au nord de la région des Hautes-Terres, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Dans ces zones reculées, de violents affrontements ont fait environ soixante-dix morts depuis le début de l’été.
« Nous qualifions cette agitation de terrorisme intérieur », a dénoncé, mardi 22 août, le premier ministre James Marape en promettant de déployer une nouvelle unité spéciale, associant policiers et militaires, sur le terrain.
Le pays mélanésien, aux prises depuis longtemps avec des conflits tribaux, s’inquiète de leur évolution récente. Les combattants, ignorant les règles d’engagement coutumières, s’affrontent en une multitude de points et avec des moyens inédits. Cette nouvelle donne constitue un défi supplémentaire pour l’archipel dont le développement est déjà entravé par les violences endémiques comme par le manque d’infrastructures et les problèmes de gouvernance.
Dernier outil opérationnel à avoir fait son apparition dans la jungle : le drone. Selon le chef de la police de la province d’Enga, George Kakas, des « personnes aisées » utiliseraient ces systèmes technologiques pour « repérer les déplacements des guerriers tribaux et préparer des embuscades ». Une révolution dans ces montagnes brumeuses où, jusqu’à ces dernières décennies, l’arsenal des populations locales était essentiellement composé d’arcs et de flèches. « Il y avait bien quelques fusils artisanaux mais nous n’avions jamais vu autant d’armements modernes et sophistiqués », s’inquiète Mary Kini, militante des droits humains, originaire de ces Hautes-Terres où, depuis des temps immémoriaux, les tribus résolvent leurs différends territoriaux par la force et pratiquent la vendetta.
Nouvelle flambée de violence
En 2005, dans un rapport intitulé « Détournement d’armes en Papouasie-Nouvelle-Guinée », Philip Alpers signalait déjà la présence de quelques centaines de fusils d’assaut et semi-automatiques dans le sud de la région. « Bien que les habitants (…) possèdent 30 à 50 fois moins d’armes à feu fabriquées en usine, par habitant, que les Australiens ou les Néo-Zélandais voisins, leurs armes de gros calibre sont obtenues presque exclusivement dans le but d’être utilisées contre d’autres êtres humains, mettait alors en garde le fondateur de GunPolicy.org. Cependant, ni les conflits tribaux persistants ni les activités criminelles n’ont généré une demande suffisante pour susciter un afflux en provenance d’autres pays. »
Il vous reste 53.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.