Les Aborigènes et insulaires du détroit de Torres, un chapelet d’îles situé entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée, vont-ils enfin être reconnus comme peuples premiers d’un continent qu’ils habitent depuis plus de 65 000 ans, faisant d’eux la plus ancienne civilisation connue sur terre ? Auront-ils, officiellement, voix au chapitre sur les questions politiques et juridiques les concernant ? Les électeurs australiens vont être appelés à dire « oui » ou « non » à leur reconnaissance constitutionnelle à travers la création d’un organe consultatif, lors d’un référendum qui se tiendra le 14 octobre.
« Chaque Australien bénéficiera d’une opportunité unique, qui se présente une fois par génération, d’unir notre pays et de le changer pour le mieux », a plaidé, mercredi 30 août, le premier ministre Anthony Albanese, lors d’un meeting organisé à Adélaïde pour annoncer la date de la consultation. « Voter “non” ne mène nulle part, cela signifie que rien ne change. Voter “non” ferme la porte à cette opportunité d’aller de l’avant », a-t-il encore déclaré en exhortant son pays à « se montrer à la hauteur de la situation » : « Ne fermez pas la porte à la prochaine génération d’Australiens aborigènes. »
L’élu travailliste s’était engagé, lors de la campagne électorale de 2019, à organiser ce référendum réclamé par les populations autochtones depuis le 26 mai 2017. Ce jour-là, 270 délégués avaient signé la déclaration d’Uluru, fruit d’un long travail de dialogue et de consultation au sein de leurs communautés. « Nous voulons des réformes constitutionnelles conférant un pouvoir à notre peuple et la place qui nous est due dans notre propre pays. Quand nous pourrons gérer notre destinée, nos enfants s’épanouiront. Ils marcheront dans deux mondes et leur culture sera un cadeau pour leur pays », avaient-ils alors déclaré dans ce document, auquel le gouvernement conservateur de l’époque n’avait pas donné suite.
« Etre à la table » des discussions
La proposition de référendum reprend l’une des principales revendications de cette déclaration. Elle prévoit l’établissement d’une « voix », un organe représentatif chargé de conseiller les pouvoirs législatif et exécutif sur tous les sujets concernant les peuples premiers, qu’il s’agisse de questions sociales, économiques ou spirituelles. Son avis ne sera pas contraignant mais les autorités espèrent qu’il permettra de faire la différence en matière de lutte contre les inégalités. Les Aborigènes, qui représentent moins de 4 % des Australiens, vivent, pour beaucoup, dans un quart-monde où ils ont des difficultés à accéder aux services essentiels et où leurs enfants ont davantage de chance de finir derrière les barreaux que sur les bancs d’une université.
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