Les Australiens ont manqué, à une large majorité, un rendez-vous avec l’histoire : invités à se prononcer par référendum, samedi 14 octobre, sur la reconnaissance constitutionnelle des Aborigènes, ils ont répondu non à 60,68 %, selon un décompte lundi matin, enterrant un projet en gestation depuis plus de six ans.
« Il est très clair que la réconciliation est morte », déclarait, peu après l’annonce des premiers résultats, Marcia Langton, l’une des grandes voix de la communauté des « peuples indigènes ». Comme nombre de partisans du « oui », elle n’a caché ni sa déception ni son amertume devant ce qui a été perçu comme une fin de non-recevoir adressée à la plus ancienne civilisation de la planète. « Il nous appartient maintenant à tous de nous rassembler et de trouver un autre chemin menant vers le même objectif de réconciliation. Je suis optimiste quant à notre capacité à y parvenir », tentait de rassurer le chef du gouvernement travailliste, Anthony Albanese.
A l’annonce de la tenue de ce référendum, à la fin de décembre 2022, le oui bénéficiait d’une confortable avance avec plus de 60 % des intentions de vote. « Des organes de ce type, qui facilitent le dialogue avec le pouvoir en place, existent et fonctionnent parfaitement dans plusieurs Etats comme la Nouvelle-Zélande, le Canada ou encore les pays nordiques. Il s’agissait d’une proposition très modeste qui aurait dû recevoir un soutien bipartisan », observe Amanda Nettelbeck, professeure d’histoire coloniale à l’université d’Australie.
Inégalités criantes
Ce ne fut pas le cas. Le chef de l’opposition conservatrice, Peter Dutton, a appelé à dire non à cette initiative portée par Anthony Albanese pour répondre à la demande formulée, en 2017, par les peuples autochtones dans la déclaration d’Uluru. Ce document, résultat d’un important travail de dialogue et de consultations, reposait sur trois principes et autant d’étapes : l’établissement d’une « voix », la mise en place d’une commission Vérité et la signature d’un traité.
Si, à l’époque de la colonisation, l’Empire britannique avait conclu des accords avec la plupart des peuples premiers, ce ne fut pas le cas sur l’île-continent, qu’il considéra comme une « terra nullius », une terre n’appartenant à personne. Les Aborigènes, décimés par les maladies apportées par les colons et les massacres, puis objets de politiques d’assimilations qui ont notamment permis le retrait d’enfants à leurs parents jusqu’aux années 1970, sont toujours victimes d’inégalités criantes avec une espérance de vie de huit ans inférieure à la moyenne nationale, des taux d’incarcération et de suicide supérieurs et un accès plus difficile à l’éducation, à l’emploi comme aux services de santé.
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