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En Argentine, les enfants des tortionnaires de la dictature se rebellent

Des filles et des fils d’hommes accusés d’avoir activement participé à la répression à l’époque du régime militaire (1976-1983) découvrent peu à peu un passé longtemps resté secret et n’hésitent pas, pour certains, à renier leur père.

Par  (Buenos Aires, envoyée spéciale)

Publié le 02 janvier 2024 à 05h45, modifié le 02 janvier 2024 à 17h21

Temps de Lecture 7 min.

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Analia Kalinec, à Buenos Aires, le 26 décembre 2023.

Analia Kalinec était une petite fille modèle. La voici devenue une « désobéissante » (desobediente, en espagnol), autrement dit une femme prête à contester l’ordre familial. Elle a mis des années à accepter que son père, cet homme aimant qui, le soir, la chatouillait en l’appelant « mon petit lièvre », était la même personne qui, dans la journée, enlevait et torturait. « La figure du père est si structurante que mon schéma mental a explosé, confie cette femme de 44 ans, institutrice et psychologue. Penser que j’avais peut-être dans mon sang quelque chose d’anormal et que je pouvais le transmettre à mes enfants me terrifiait. »

Ce père, c’est Eduardo Emilio Kalinec, un ancien policier condamné, en 2010, à la prison à perpétuité, pour ses agissements pendant la dictature militaire (1976-1983) dans les centres clandestins de détention connus sous les noms d’Atlético-Banco-Olimpo.

Analia n’a appris la vérité à son sujet qu’après l’arrestation de son père, en 2005. Auparavant, ces années sombres, marquées par la disparition de quelque 30 000 personnes, selon les organisations de défense des droits humains, n’étaient à ses yeux qu’une période vague de l’histoire de l’Argentine.

Après les premiers procès des tortionnaires, en 1985, le pays avait décidé de tirer un trait sur cette époque, d’amnistier les quelques condamnés et de tout cacher sous le manteau de l’impunité. L’arrivée au pouvoir du péroniste Nestor Kirchner, en 2003, change la donne : celui-ci demande pardon au nom de l’Etat, fait de « la mémoire, la vérité et la justice » une politique nationale et permet la réouverture de procès pour crimes contre l’humanité. A ce jour, 1 204 personnes ont été jugées et condamnées.

Lire aussi l’enquête : Article réservé à nos abonnés L’étrange vie française de l’ancien policier argentin Mario Sandoval

En 2005, Analia Kalinec vit les premiers mois de la détention de son père – pendant l’instruction – dans une sorte de brume d’ignorance. « J’allais lui rendre visite en prison, et on parlait de tout et de rien, mais ni de la dictature ni de ce qu’il avait fait. » Sa mère et ses deux sœurs cadettes, fonctionnaires de police, le soutiennent. « Tout ça est une erreur, papa va bientôt être libéré », assure sa mère. Analia se met à chercher des réponses ailleurs, dans des livres, des documentaires, des conférences. Car le pays recouvre peu à peu la mémoire…

« Trahison »

En lisant l’acte d’accusation de son père, en 2008, la jeune femme mesure l’ampleur de l’horreur. « C’est un point d’inflexion dans ma vie, j’y ai lu des témoignages horribles, raconte-t-elle dans le bureau de sa maison du quartier populaire de Flores, à Buenos Aires. On l’accusait d’avoir participé à des tortures, sous le pseudo de “Docteur K”. Il était impliqué dans 181 enlèvements. » Les victimes, des opposants réels ou supposés du régime, étaient « arrêtées » hors de tout contexte judiciaire, torturées dans des lieux de détention clandestins, avant de disparaître, pour la plupart à jamais.

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