LETTRE DE SHANGHAÏ
Il a finalement récupéré son laboratoire, au prix de nuits dehors et d’une bataille très publique. Zhang Yongzhen, le premier chercheur à avoir publié la séquence du génome du SARS-CoV-2 il y a plus de quatre ans, est en conflit ouvert avec l’institution qui héberge les travaux de son équipe. L’affaire a éclaté au grand jour le 28 avril. Ce matin-là, M. Zhang et ses collaborateurs arrivent au travail mais trouvent la porte du Centre clinique de santé publique de Shanghaï verrouillée, en lointaine banlieue sud de la ville la plus peuplée de Chine. Le désaccord avec la direction sur la fin de son contrat s’est envenimé.
En homme déterminé, Zhang Yongzhen décide de faire un sit-in tant que les gardes du centre n’auront pas déverrouillé les portes. Publiées par ses étudiants-chercheurs sur Weibo, le Twitter chinois, les photos prises par ceux qui ont pu rester à ses côtés le montrent fatigué et décoiffé, assis sur une chaise devant des gardes de sécurité. Il apparaît ensuite allongé sur un matelas, sous une couette, dormant dehors, avec à côté de lui un Thermos, des bouteilles d’eau, des sacs de nourriture et toujours l’équipe de gardiens. Les cartons au sol ont été trempés par une pluie battante. « Je ne partirai pas, je n’abandonnerai pas, je le fais pour la science et la vérité », écrit-il dans un post bientôt supprimé sur le réseau social. Le scientifique reste ainsi trois nuits dehors.
M. Zhang a commencé dans ce laboratoire cinq années plus tôt. Après presque deux décennies au Centre de contrôle et de prévention des maladies, une institution plus proche du gouvernement central, il avait été séduit par le contact avec la direction de l’établissement, en lien avec la prestigieuse université Fudan. Le directeur de l’époque, Zhu Tongyu, lui avait promis 3,5 millions de yuans (450 000 euros) de financement annuel pour qu’il ne perde pas son temps sur la quête de fonds et puisse se focaliser sur « de la recherche scientifique de premier rang » sur les virus ; il lui avait même prêté sa voiture. Zhang sera fier de faire apparaître le nom du centre six fois dans les revues scientifiques Nature et Cell entre 2018 et 2020. Vacataire au départ, il devait être titularisé sous deux ans.
Avancée cruciale pour les tests et les vaccins
Viennent les premiers jours de l’année 2020. Le 3 janvier, son laboratoire reçoit les prélèvements d’un patient souffrant de cette nouvelle sorte de pneumonie qui s’abat sur la ville de Wuhan. Au magazine Time, il a raconté comment son équipe a travaillé deux jours et deux nuits non-stop, utilisant les dernières technologies pour établir le 5 janvier pour la première fois la séquence du génome du SARS-CoV-2. Il contacte le chef de la médecine respiratoire à l’hôpital central de Wuhan, ainsi que le ministère de la santé, se rend le 8 janvier dans la capitale du Hubei pour expliquer aux responsables de la santé locaux sa compréhension du virus, suggérant des mesures de protection publique.
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