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Eugénie Mérieau, chercheuse : « On assiste à une convergence des régimes autoritaires et démocratiques dans une zone grise »

En partant de l’exemple de Singapour, la chercheuse Eugénie Mérieau explique, dans un entretien au « Monde », que le modèle démocratique illibéral de la cité-Etat asiatique fait des émules. Plutôt qu’une étape précédant la démocratie libérale, celui-ci pourrait en être un avenir possible.

Propos recueillis par  (Bangkok, correspondant en Asie du Sud-Est)

Publié le 18 mai 2024 à 07h00, modifié le 20 mai 2024 à 11h10

Temps de Lecture 7 min.

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Eugénie Mérieau.

Maîtresse de conférences en droit public à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Eugénie Mérieau mène des recherches pour le CNRS en droit constitutionnel comparé entre les démocraties illibérales d’Asie et leurs cousines libérales d’Europe et des Etats-Unis. Chercheuse et enseignante à Singapour (2020-2021), en Thaïlande (2015-2017), en Allemagne et aux Etats-Unis, elle est l’autrice de La Dictature, une antithèse de la démocratie ? 20 idées reçues sur les régimes autoritaires, réédité en février (Cavalier bleu, 240 pages, 13 euros).

Singapour est dirigée par un nouveau premier ministre, depuis le 15 mai. A Lee Hsien Loong, fils du fondateur de la cité-Etat, succède Lawrence Wong, désigné par le Parti d’action du peuple (PAP), au pouvoir depuis 1965. Peut-on parler de la fin d’une ère ?

Ce n’est sûrement pas la fin du PAP. Ce parti très efficace a les moyens de former de nouvelles générations de responsables politiques – Wong appartient à la quatrième. Et ce n’est pas forcément la fin de l’ère des Lee. Rien ne s’oppose à ce que Li Hongyi, l’aîné des fils de l’ex-premier ministre Lee Hsien Loong, qu’il a eu avec son épouse actuelle, et le plus populaire, devienne le prochain leader.

Agé de 37 ans et diplômé du Massachusetts Institute of Technology [MIT, aux Etats-Unis], il est actuellement haut fonctionnaire à l’agence gouvernementale de Singapour pour la numérisation. Quand les médias demandent à Lee Hsien Loong si son fils pourrait être intéressé, il répond par la négative. Mais lui-même disait la même chose à son âge. Cela reflète l’aura dont jouit encore la famille Lee dans le pays, et le phénomène des dynasties politiques est fréquent en Asie du Sud-Est.

Les élections législatives prévues d’ici à fin 2025 ne laisseront que peu de place au suspense, puisque le PAP conserve l’hégémonie du pouvoir. Sur quoi repose-t-elle ?

Le PAP ancre sa légitimité dans le grand « récit » de la performance économique de Singapour, passé, depuis l’indépendance en 1965, d’un pays dit « du tiers-monde » à l’un des Etats les plus riches du monde – il devance, par son PIB par habitant, toutes les puissances occidentales. Les mémoires de Lee Kuan Yew ont ainsi pour titre From Third World to First. The Singapore Story : 1965-2000 (« du troisième au premier monde, l’histoire de Singapour », Harper, 2000, non traduit).

Le second récit, très porteur, est celui de la sécurité. La société singapourienne est multiraciale (Chinois [75 %], Malais, Indiens et autres) et multireligieuse (bouddhistes, chrétiens, musulmans et hindous). Les émeutes raciales visant la majorité chinoise de Singapour, en 1964, alors que la cité était encore partie intégrante de la Malaisie, laissaient entrevoir une société minée par la violence. Or, depuis son indépendance, en 1965, Singapour n’en a presque pas connu – au contraire de la Malaisie et de l’Indonésie. Elle a aussi été épargnée par le terrorisme islamique, alors que la plupart des pays d’Asie du Sud-Est en ont été la cible et, parfois, le foyer. Ces grands récits du PAP ne s’articulent pas autour d’une idéologie, mais s’appuient sur des résultats.

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