Bande de Gaza : trois semaines de destructions en cartes et en images

Après l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre, Israël frappe, en riposte, la bande de Gaza. Les images satellitaires avant et après l’offensive témoignent des destructions causées par ces bombardements dans une zone fortement urbanisée et très peuplée.

Le 28 octobre, l’armée israélienne a intensifié ses opérations au sol dans la bande de Gaza. Ce mouvement de troupes considérable a été précédé puis accompagné de bombardements massifs de ce territoire contrôlé par le Hamas depuis 2007 et où vivaient, avant le début de ce nouveau cycle de violences, 2,23 millions de personnes.

Les premiers bombardements avaient commencé au lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, qui a fait plus de 1 400 morts tandis que 238 otages restent aux mains des islamistes. Dans la bande de Gaza, qui s’est vu imposer dans la foulée un siège total contraire au droit international, la riposte s’est traduite par des destructions d’ampleur. La densité de l’enclave – 6 000 habitants par kilomètre carré en moyenne, voire davantage dans certaines agglomérations – rend impossible pour la population d’échapper aux frappes.

Israël, qui a sommé, le 13 octobre, les civils d’évacuer le nord de la bande, justifie ces bombardements par la volonté de cibler l’infrastructure militaire souterraine que le Hamas a construite en s’abritant sous les zones densément habitées de l’enclave, où se trouvent des hôpitaux, des mosquées et des écoles dans lesquelles la population a cherché refuge. En vingt-six jours de bombardements, « plus de 11 000 cibles appartenant à des organisations terroristes » auraient été frappées, selon le décompte fourni le 1er novembre par l’armée israélienne.

Dans la bande de Gaza, les bombardements ont déjà causé la mort de 9 257 personnes, selon le bilan fourni le 3 novembre par le ministère de la santé à Gaza, sous l’autorité du Hamas, non vérifiable de manière indépendante. Deux tiers des morts sont des femmes et des enfants, et plus de 2 100 personnes seraient portées disparues, enfouies sous les décombres, d’après la même source. Le ministère du logement fait, de son côté, état de 45 % des habitations du territoire détruites ou endommagées.

Le 29 octobre, le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a alerté sur la « catastrophe humanitaire qui se déroule » dans la bande de Gaza, dénonçant les « bombardements incessants » que subissent plus de deux millions de personnes, « sans nulle part où aller en sécurité ». Il s’est ensuite déclaré « atterré » par les frappes sur le camp de réfugiés de Jabaliya. L’armée israélienne l’a bombardé à deux reprises, le 31 octobre puis le 1er novembre, ciblant le poste de commandement souterrain du responsable militaire local pour le Hamas, Ibrahim Biari, un officier de rang intermédiaire, présenté par Israël comme l’un des responsables de l’attaque du 7 octobre. Selon le ministère de la santé palestinien, 195 personnes auraient été tuées dans ces frappes, et 120 seraient disparues sous les décombres. Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a exprimé de « graves préoccupations sur le fait que ce sont des attaques disproportionnées qui pourraient constituer des crimes de guerre ».

Faute de pouvoir pénétrer dans la bande de Gaza, la presse internationale a du mal à mesurer précisément l’ampleur de ces dévastations. Outre les témoignages des journalistes et des civils palestiniens piégés sur place, les images satellitaires permettent néanmoins d’en avoir un aperçu.

Le Monde a pu se procurer des données produites par l’entreprise Masae Analytics à partir d’images collectées entre le 18 septembre et le 29 octobre par les satellites de la mission Sentinel-1 de Copernicus, initiative conjointe de la Commission européenne et de l’Agence spatiale européenne. Ces images radar SAR (pour Synthetic Aperture Radar) présentent l’avantage d’acquérir des données sur un site de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques – qu’il s’agisse de la couverture nuageuse ou du manque d’éclairage.

Il est donc possible de surveiller de manière répétée une même zone afin de mesurer les changements subis par le bâti. Cette analyse ne prend pas en compte, en revanche, les espaces naturellement changeants au cours du temps, comme les routes, les parkings, les parcs, les forêts ou les zones cultivées.

Les données acquises par imagerie satellitaire, avec une résolution de 10 mètres par pixel, sont ensuite vérifiées par croisement avec les points géolocalisés disponibles sur les sites Geoconfirmed.org et Unosat, ainsi que grâce aux images à haute résolution acquises par les satellites des groupes privés Airbus (SPOT, Pléiades), Planet (SkySat), ou encore Maxar Technologies.

Les images à haute résolution fournies par ces groupes apportent ainsi un éclairage complémentaire à la carte établie par Le Monde. On y voit l’étendue des dégâts dans les quartiers résidentiels, où des tours de plusieurs étages ont été pulvérisées, laissant place à des amas de gravats et recouvrant d’une épaisse couche de poussière grise les bâtiments environnants.

Izbat Beit Hanoun

Quartier résidentiel pauvre, ancien bidonville de l’agglomération voisine de Beit Hanoun, créé par l’afflux de réfugiés palestiniens au moment de la création d’Israël, en 1948.

Déplacez la glissière de gauche à droite puis de droite à gauche pour visualiser les conséquences des bombardements

21 octobre
10 octobre
Maxar Technologies ©2023

Beit Hanoun

Ce village établi en hauteur est situé à seulement 2 kilomètres de la barrière de séparation, qui enserre ses terres agricoles. L’armée israélienne le considère comme l’un des centres des opérations du Hamas en raison de sa proximité avec Israël.

21 octobre
1er mai
Maxar Technologies ©2023

Al-Atatra

Quartier de l’agglomération de Beit Lahya, principalement agricole, situé à 3 kilomètres de la barrière de sécurité. Un complexe résidentiel d’une vingtaine de hautes tours a été frappé, certaines d’entre elles ont été pulvérisées.

21 octobre
10 mai
Maxar Technologies ©2023

Al-Karama

Quartier résidentiel, à quelques centaines de mètres du bord de mer le plus fréquenté – car considéré comme le moins pollué – de la bande de Gaza, avec cafés, stations balnéaires et hôtels. Il a été ciblé par des frappes massives dès le 10 octobre.

21 octobre
10 mai
Maxar Technologies ©2023

Jabaliya

Ce camp de réfugiés ouvert par les Nations unies après la création de l’Etat d’Israël et la guerre de 1948-1949, est le camp plus grand et le plus densément peuplé de la bande de Gaza. C’est ici qu’a débuté la première Intifada, en 1987. Avant la guerre en cours, il accueillait 116 000 personnes.

1er novembre
31 octobre
Maxar Technologies ©2023

Al-Zahra

Un complexe de plusieurs tours a été réduit en poussière par un bombardement, le 20 octobre. L’agglomération, située à proximité du ruisseau Wadi Gaza, comptait plusieurs déplacés ayant fui le nord de l’enclave après l’ordre d’évacuation émis par l’armée israélienne.

22 octobre
15 octobre
Planet Labs ©2023

Plus de 1,4 million de personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur de la bande de Gaza. Malgré les annonces de l’armée israélienne, qui affirme cibler avant tout la partie nord, encerclée le 2 novembre par l’opération terrestre, les bombardements frappent aussi le sud de l’enclave, comme les abords du point de passage de Rafah, seule voie de sortie vers l’Egypte, par lequel de rares convois humanitaires ont commencé à entrer depuis le 21 octobre, et quelques blessés et ressortissants étrangers ou binationaux ont pu être évacués le 1er novembre.