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Vins : éloge de la diversité européenne

A la veille des élections européennes, « Le Monde » a interrogé 22 sommeliers de l’Union sur ce qui caractérise, selon eux, l’identité vinicole du continent.

Par  et

Publié le 22 avril 2024 à 19h00

Temps de Lecture 1 min.

Le vin est un diamant liquide de l’Europe, mais l’Europe du vin existe-t-elle ? A l’aube d’élections où 360 millions de citoyens de 27 pays sont appelés, entre le 6 et le 9 juin, à élire leurs eurodéputés au Parlement de Strasbourg et de Bruxelles, nous avons posé cette question à 22 sommelières et sommeliers travaillant un peu partout dans l’Union. Toutes et tous, à travers leur restaurant, sont en effet des passeurs précieux entre vignerons et consommateurs. Et leur savoir se joue des frontières.

Leurs réponses sont instructives. Un seul sommelier tient à rappeler que l’Europe du vin s’écrit à Bruxelles, à travers des normes ou des financements. Les autres disent d’abord leur immense fierté de partager une histoire et des valeurs précises. Ils ont le sentiment d’appartenir au continent viticole d’excellence, que les autres nous envient, celui où sont produites près de 60 % des bouteilles de la planète, celui, aussi, où l’on sait innover.

Nos sommeliers, dont beaucoup sont des bêtes à concours, connaissent sur le bout des lèvres les cuvées des autres pays de l’Europe. Ils ne croient pas à un goût commun, mais à la beauté de la diversité – terroirs, climats, cépages, vinifications… Ils se retrouvent pour dire qu’à l’avenir on boira moins et mieux, et que, en raison du réchauffement climatique, la carte européenne du vignoble s’étendra au nord et à l’est. Partout.

Vins : à quoi sert l’Europe ?

Le vin est un sujet d’importance pour l’Union européenne, traité dans le cadre de sa politique agricole commune (PAC). Il est vrai que Bruxelles chapeaute le plus important vignoble de la planète. Les vingt-sept Etats couvrent, de façon très inégale, près de la moitié des vignes mondiales (soit 3,3 millions d’hectares), qui sont cultivées par 2,2 millions de propriétés, ces dernières assurant 59 % de la production mondiale de bouteilles. Le vin est même un bon élève de l’Europe : 67 % de la production est exportée – aucun autre produit ne fait mieux dans l’agroalimentaire.

Réglementer

Dans chaque pays membre, les bases essentielles de la viticulture sont régies à Bruxelles par les règlements de la Commission et par l’Organisation commune des marchés agricoles (OCM) dans le cadre de la politique agricole. Le règlement du 12 mars 2019 liste les pratiques œnologiques autorisées. Un autre de 2018 définit les doses de cuivre à ne pas dépasser dans les vignes pour prévenir le mildiou – cette mesure voulue par les pays du nord de l’Europe a fragilisé les producteurs de vin bio du Sud. Ajoutons que, prochainement, les étiquettes des bouteilles en Europe devront mentionner tous les ingrédients (y compris les additifs œnologiques).

Organiser le marché

L’Union organise aussi le marché et le commerce du vin. C’est le rôle de l’OCM, qui, dans un texte de 2013, affiche plusieurs objectifs : accroître la compétitivité des producteurs de vin en Europe ; adopter des règles de gestion du marché « plus simples, claires et efficaces » ; préserver les « traditions » dans la production de vin et « renforcer le rôle social et environnemental » de la vigne « dans les zones rurales ». Pour y parvenir, les dispositions en place sont les plus étoffées (et les plus complexes !) de toute la politique agricole commune.

Financer

L’Union européenne alloue en moyenne chaque année 1 milliard d’euros au vin, un montant modeste eu égard aux 58 milliards distribués chaque année dans le cadre de la PAC. Ce milliard d’euros est réparti dans les dix-huit Etats produisant du vin en fonction du poids du vignoble : de 50 000 euros pour la Lituanie à 323,8 millions pour l’Italie. En France, depuis 2021, la dotation s’élève à 269,6 millions hors mesures de crise provisoires. L’argent n’est pas versé directement à des propriétés, mais en soutien de politiques d’intérêt général dans tel ou tel vignoble.

Où va l’argent ?

Dans l’Hexagone, un tiers du montant est destiné à l’arrachage, la plantation ou la reconversion de vignes. Un autre tiers nourrit des investissements comme la rénovation de chais. Le dernier tiers se partage entre des campagnes de communication et la transformation de jus en sous-produits de distillation. L’Italie et le Portugal transforment une partie de leur subvention en « assurance récolte » pour pallier les accidents climatiques.

En septembre 2023, la Cour des comptes européenne a jeté un pavé dans la mare avec son rapport « Restructuration et plantation de vignobles dans l’UE. Un impact incertain sur la compétitivité et une ambition environnementale limitée ». Dans un contexte de surproduction, ce texte estime que les aides européennes à la viticulture ne permettent pas de répondre aux objectifs de la politique agricole commune.

Cette extension du domaine du vin fait écho à une question que nous leur avons posée : pour quelle bouteille, hors de vos frontières, avez-vous une tendresse ? Cinq vins rouges seulement sont cités par nos 22 sommeliers, au profit de blancs, d’effervescents et de vins mutés. Cette petite musique est connue, qui s’inscrit dans les tendances de consommation d’un pays à l’autre.

Les réponses sont d’une diversité folle. Elles disent l’urgence de faire découvrir, avec des cuvées cultivées du Portugal à la Hongrie, en passant même par la Belgique. Si la France est le pays le plus cité grâce à ses champagnes – cocorico ! –, les rieslings autrichiens sont plébiscités, les vins allemands également, avec une mention spéciale pour le cépage assyrtiko des îles grecques, hier confidentiel. A leur façon, les sommeliers font l’Europe. D’aujourd’hui et de demain.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’Europe du vin racontée par ses sommeliers
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