Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

L'alliance Alstom-GE garantit-elle notre indépendance énergétique ?

Si l'accord Alstom-General Electric ne remet pas en cause l'indépendance énergétique actuelle de la France, il peut en bousculer les projets de développement.

Par 

Publié le 24 juin 2014 à 15h04, modifié le 24 juin 2014 à 15h25

Temps de Lecture 4 min.

Le 21 juin, Arnaud Montebourg a défendu l'accord trouvé entre le conglomérat américano-canadien General Electric et le spécialiste français de l'énergie et des transports Alstom.

« Nous avons gagné la bataille industrielle. » Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, se félicite depuis ce samedi 21 juin de l'accord trouvé entre Alstom et General Electric (GE) après de longues négociations. L'Etat s'est prononcé en faveur d'une alliance entre la société française spécialisée dans l'énergie et les transports et le conglomérat américano-canadien. Un accord validé par les deux parties dans le week-end. Au matin du 23 juin, le ministre assure sur RMC que les propositions de GE garantissent l'indépendance énergétique de la France.

Ce qu'il a dit :

« Il en va de la souveraineté. Nous avons demandé à General Electric de laisser en France ce qui nous permet de garder notre indépendance énergétique. »

POURQUOI C'EST FLOU

L'indépendance énergétique, c'est la capacité d'un pays à fournir à ses habitants et à ses entreprises du gaz, de l'essence, de l'électricité... Sans recourir à un pays tiers. Elle n'existe pas de manière absolue : la mondialisation a créé un contexte d'interpédendance. D'après les derniers chiffres d'Eurostat et du ministère de l'écologie, le taux d'interdépendance de la France tourne autour de 53 % pour 2012. Ce taux est légèrement en dessous de la moyenne européenne. La France consomme presque le double des énergies nécessaires qu'elle produit. Elle est donc comme les autres sous la coupe d'autres pays du monde et de leurs apports en énergie. Regardons de plus près par secteur.

Droit de veto sur le nucléaire. Le nucléaire représente près de 75 % de la production d'électricité en France, d'après le ministère de l'écologie. M. Montebourg a insisté plusieurs minutes durant sur la sauvegarde de la souveraineté française sur le nucléaire. Alstom est en effet le principal fournisseur d'EDF en turbines à vapeur. Ces turbines sont des convertisseurs d'énergie indispensables aux 58 réacteurs nucléaires sur le territoire. L'alliance approuvée ce week-end introduit la création d'une coentreprise ou « joint venture », gérée pour moitié par GE et pour moitié par Alstom.

Le Monde
Soutenez une rédaction de 550 journalistes
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 7,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

L'Etat, qui siégera au conseil d'administration de la société française, aura pour ce secteur uniquement le dernier mot. Le conglomérat américano-canadien a confirmé au Monde les prérogatives accordées à l'Etat : « Un droit de veto et des droits de gouvernance concernent surtout la sécurité et les technologies liées à l'énergie nucléaire. »

Alliance Alstom-GE : le nucléaire mais pas seulement

Arnaud Montebourg a gagné une bataille en parachevant cet accord entre Alstom et GE, mais a-t-il gagné la guerre ? Patrice Geoffron, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine et directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP), soutient que le bémol est ailleurs. L'évocation d'une indépendance énergétique conservée fait autant appel à la production qu'à la consommation d'énergie.

Or, d'après EDF et le ministère de l'écologie, les énergies hors nucléaire représentent près des deux tiers de la consommation en France (voir graphique ci-dessous). Elles sont composées de pétrole (30,3 %), de gaz (14,8 %), de charbon (4,2 %) et des énergies renouvelables (8,8 %).

Questions sur les autres énergies. L'accord conclu, d'après le communiqué de presse publié le 21 juin, GE reprend 100 % des turbines à gaz du groupe. Ces pièces détachées sont un rouage indispensable dans la machine à fabriquer de l'électricité. Alstom en était jusqu'à cette alliance le seul fabricant.

Les « smart grids », pépites de technologies d'Alstom censées moderniser les systèmes électriques, sont désormais détenues à parts égales par Alstom et GE. De même pour les énergies renouvelables. Des arrangements controversés, à l'heure des débats sur la transition énergétique.

L'accord complique la transition énergétique. Le gouvernement envisage de changer de modèle énergétique. Le projet de loi de la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, privilégie les nouvelles technologies et énergies propres, tandis que les énergies fossiles et le nucléaire sont placés au second plan. Patrice Geoffron est formel, si l'accord ne remet pas en cause l'indépendance énergétique actuelle, elle peut bousculer les plans de demain. 

« General Electric devient le seul patron des turbines à gaz, qui seront au cœur de notre transition énergétique. A l'occasion du changement de stratégie énergétique, on va diminuer la part des énergies fossiles, privilégier des énergies plus propres et plafonner notre capacité nucléaire. Par ailleurs, nous allons nous reposer sur le gaz en attendant la transition achevée et miser sur toutes ces nouvelles technologies. »

La ministre de l'écologie a distribué de mauvaises notes en ce qui concerne l'indépendance énergétique en gaz en France. A terme, l'alliance complique le passage à une économie verte. Plusieurs maillons de la chaîne de production de notre énergie dépendent du constructeur américano-canadien. Des maillons sur lesquels le gouvernement s'apprête à miser. Le chef de l'Etat, François Hollande, l'a promis pendant sa campagne électorale. Manuel Valls, chef du gouvernement, l'a répété lors de son discours de politique générale début avril 2014. « La transition énergétique sera l'une de mes priorités. C'est une formidable opportunité économique. » Affaire à suivre.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.