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Croissance : pourquoi les prévisions sont-elles encore révisées à la baisse ?

Le gouvernement a décidé de réviser la croissance à 0,4 % pour 2014, au lieu de 1 %.

Par , et

Publié le 25 juin 2014 à 18h55, modifié le 27 novembre 2019 à 12h03

Temps de Lecture 7 min.

Après s'être accroché pendant des mois à une prévision de croissance de 1 % pour 2014, le gouvernement a décidé de la réviser à 0,4 %, mercredi 10 septembre. C'est légèrement moins que le 0,5 % annoncé par le ministre des finances, Michel Sapin, dans Le Monde mi-août. Et bien éloigné des 2 % prédits par François Hollande pendant la campagne présidentielle.

Sources : FMI, 60 engagements de François Hollande, programmes de stabilité 2013-2017 et 2014-2017, Michel Sapin.

  1. Pourquoi le gouvernement change-t-il d'avis maintenant ?
  2. Qu'est-ce que la croissance ?
  3. Comment l'Insee la calcule-t-il ?
  4. Comment les organismes internationaux la calculent-ils ?
  5. Du provisoire au définitif
  6. Quelle fiabilité ?
  7. Le climat des affaires, notion-clé

1. Pourquoi le gouvernement change-t-il d’avis maintenant ?

Michel Sapin a été contraint dès le mois d'août de changer son fusil d'épaule, après que l'Insee a dévoilé que la croissance avait été nulle au deuxième trimestre 2014, comme au premier. Difficile pour le gouvernement, dans ces conditions, de maintenir une prévision de 1 % sur l'ensemble de l'année.

Pour se défendre de ne pas avoir réagi plus tôt, le ministre avait fait valoir que toutes les grandes institutions – Fonds monétaire international (FMI), Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Commission européenne, Haut Conseil des finances publiques – s'étaient aussi fourvoyées dans leurs prédictions.

Cela fait pourtant plusieurs mois que les indicateurs sont passés à l'orange. Au début de mai, l'OCDE prédisait à la France une croissance de 0,9 %. Le 24 juin, l'Institut national de la statistique (Insee) révisait sa prévision pour 2014 à 0,7 %, suivi une semaine plus tard par le FMI. Mais il ne s'agissait encore que de prévisions, et le gouvernement préférait afficher son optimisme pour ne pas aggraver la situation.

S'il change d'avis aujourd'hui, c'est aussi dans le cadre d'une offensive politique lancée par François Hollande contre l'Allemagne d'Angela Merkel. Le président français réclame à Berlin – et à l'Union européenne – « un soutien plus ferme à la croissance » européenne. Les mauvais chiffres dévoilés jeudi 14 août par Eurostat pour l'ensemble des Etats européens (y compris l'Allemagne) confortent son diagnostic.

2. Qu’est-ce que la croissance ?

La croissance, c'est donc celle du produit intérieur brut (PIB), la somme des biens et services produits dans un pays. Le PIB représente la richesse créée par les activités de production sur le territoire français, sans tenir compte des variations des prix.

Donner à l'avance une estimation de la croissance est essentiel, car elle sert, entre autres, à établir le budget. En effet, la croissance va déterminer en grande partie le niveau des rentrées fiscales de l'Etat. Depuis une décennie, la loi organique relative aux lois de finances oblige le gouvernement à présenter « les perspectives économiques, sociales et financières de la nation [...] pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances ».

Les statisticiens sont nombreux à donner leur propre chiffre de croissance et leurs prévisions. L'Insee livre chaque trimestre la publication de référence.

La Banque de France, la direction générale du Trésor (qui dépend du ministère de l'économie), l'Organisation des nations unies, le FMI, la Commission européenne, la Banque centrale européenne, l'OCDE, mais aussi des centres de recherche privés (comme l'OFCE en France, centre de recherche lié à Sciences Po) publient chacun, avec des méthodes différentes, leur estimation.

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En avril, plusieurs organismes ont revu leurs prévisions à la hausse à la suite de l'annonce du taux de croissance (effectif) de 2013. Celui-ci était meilleur que prévu : les organismes chargés d'évaluer les conjonctures économiques avaient parié, pour 2013, sur une France en récession. Finalement, le pays enregistre une croissance nulle (avec une progression au dernier trimestre de 0,2 %).

La plupart des organismes internationaux et des instituts se sont alors alignés sur une même estimation de la croissance pour 2014 : 1 point de PIB. Mais l'Insee avertit : « Ce scénario est soumis à de nombreux aléas. »

3. Comment l’Insee et la Banque de France la calculent-ils ?

L'Insee et la Banque de France fondent leurs prévisions sur des facteurs microécronomiques, et non sur des grandes tendances macroéconomiques : ils analysent les comportements des entreprises, secteur par secteur, et des individus. L'Insee ne donne pas ses pronostics plus d'un an à l'avance, ce qui explique l'absence de données pour 2014 avant la fin de 2013.

  • L'Insee :

Environ 80 statisticiens évaluent la hausse ou la baisse (ou la stagnation) future du PIB. Défini comme la somme de toutes les valeurs ajoutées, cet indicateur peut être vulgarisé à l'aide de l'exemple du boulanger. La richesse créée par l'artisan est égale au prix de prix de production (disons une baguette à 1,30 euro), moins les prix de consommations intermédiaires (0,40 euro de farine et 0,30 euro d'électricité par exemple), soit 60 centimes.

Pour tenter de cerner son évolution possible, l'Insee compile des données aussi variées que la valeur de l'euro (qui jouera sur les exportations), l'emploi (qui jouera sur la consommation ou, au contraire, l'épargne), la confiance des chefs d'entreprise...

Il opère ensuite une correction des variations saisonnières, afin d'éliminer l'effet des fluctuations liées aux vacances ou aux périodes de soldes, par exemple. A partir des chiffres corrigés, les statisticiens en déduisent une estimation pour les mois à venir. Estimation qu'ils affinent en prenant en compte les marges d'erreur de leurs précédentes évaluations et les politiques économiques annoncées par le gouvernement.

  • La Banque de France :

La Banque de France, de son côté, publie tous les mois des estimations concentrées sur l'offre, qui reposent sur des enquêtes qu'elle mène auprès de chefs d'entreprise. Elle rend également publique une liste d'indicateurs conjoncturels des organismes les plus écoutés, dont la Commission européenne et l'OCDE.

4. Comment les organismes internationaux font-ils ?

Les prévisions des instituts européens ou internationaux sont en général moins détaillées. Leurs rapports, signés par des économistes plutôt que des statisticiens, sont assortis de recommandations et présentent une perspective plus globale.

En avril, le FMI prévoyait ainsi prévoyait ainsi que, « en Europe, le surendettement des entreprises et la faiblesse du secteur bancaire continue[raient] de peser sur la confiance et la demande dans certains pays » comme la France. L'organisme avait insisté sur ses craintes concernant la déflation, un phénomène de baisse des prix qui ralentirait la croissance mondiale en 2014.

De manière générale, prévoir la croissance ne consiste pas seulement à déterminer quelques chiffes-clés. Les estimations s'inscrivent dans un scénario et une argumentation la plus précise possible. Ces prévisions sont meilleures à court terme qu'à long terme.

5. Du provisoire au définitif

Chaque trimestre, explique l'Insee, les premières estimations du PIB sont calculées à partir d'enquêtes auprès d'entreprises et de données administratives comme les statistiques des douanes par exemple ; le chiffre est publié un mois et demi après la fin du trimestre en question.

La valeur définitive du PIB est connue lorsque toutes les données sont disponibles, soit trois ans pour une collecte exhaustive. Pour l'année 2014, il y a donc trois versions des comptes : en mai 2015 un compte provisoire, en mai 2016 un compte semi-définitif, en mai 2017 un compte définitif.

6. Quelle fiabilité ?

L'Insee juge que la précision de son calcul est de 0,2 %. Concernant les prévisions, l'institut présente un graphique des risques qui retrace, autour de la prévision centrale (en trait bleu), 90 % des scénarios probables.

La première bande, la plus foncée, décrit les scénarios les plus probables autour du scénario central, l’ensemble de ces scénarios ayant une probabilité totale de 10 %. La deuxième, un peu moins foncée, se décline en deux sous-bandes immédiatement au-dessus et immédiatement en dessous de la bande centrale ; elle contient les scénarios qui suivent en termes de probabilité, de telle sorte que la probabilité totale des deux premières bandes atteigne 20 % ; et ainsi de suite, en allant du centre vers l’extérieur et de la bande la plus foncée à la bande la plus claire, jusqu’à atteindre 90 %.

On peut alors estimer que le premier résultat qui sera publié par les comptes trimestriels pour le premier trimestre 2014 a 50 % de chances d’être compris entre - 0,1 % (bas de la cinquième bande en partant du bas) et + 0,3 % (limite supérieure de la cinquième bande en partant du haut) et 90 % de chances d’être compris entre - 0,4 % et + 0,6 %. Au deuxième trimestre 2014, l’intervalle de confiance à 90 % est compris entre - 0,2 % et + 0,9 %.

7. Le climat des affaires, notion-clé

Facteur déterminant dans les prévisions, le climat des affaires : plus cet indicateur est élevé, plus les prévisions seront favorables. Dans sa dernière analyse, l’Insee remarque que l’indicateur est au point mort depuis six mois.

La croissance supposée de cette année reposera donc sur les exportations françaises vers les économies dites « avancées » comme les Etats-Unis. Autrement dit, la croissance tricolore dépend de l’environnement économique mondial. Ce qui explique que les organismes internationaux comme le FMI et l’OCDE ont fait jusque-là moins d’erreurs que le gouvernement.

Entre 1999 et 2008, le FMI et l’OCDE ont fourni des chiffres impliquant une marge d’erreur presque deux fois moindre que celles de la loi de finances, d’après une note de Thomas Jobert et Lionel Persyn, chercheurs en économie.

Par ailleurs, la confiance des investisseurs dans les marchés financiers, facteur très volatil, conditionne aussi la tendance générale et les instituts s’obligent donc à réajuster tous les mois leurs hypothèses à l’aune de données impliquant l’évolution d’indices boursiers et de produits financiers de référence comme le pétrole et les crédits bancaires.

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