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Affaires Sarkozy : tout comprendre au travail de l'instruction

L'impartialité des deux juges d’instruction chargées du dossier des écoutes de l'ex-chef de l'Etat est mise en cause par les sarkozystes. Petit point pédagogique sur le fonctionnement de l'instruction.

Par  et

Publié le 03 juillet 2014 à 15h55, modifié le 07 juillet 2014 à 09h41

Temps de Lecture 5 min.

Les fidèles de Nicolas Sarkozy vitupèrent depuis la mise en examen de l'ancien chef de l'Etat. L'impartialité des deux juges d’instruction chargées du dossier des écoutes de Nicolas Sarkozy est, selon eux, douteuse.

Sauf qu'un juge d’instruction ne choisit pas ses dossiers, mène l'enquête et ne prononce pas de jugement. Petit point pédagogique sur le fonctionnement du travail de l'instruction.

Le juge d'instruction est un magistrat spécialisé avec une mission d'enquêteur. On en compte un peu plus de cinq cents en France. Ce n'est donc pas lui qui va prononcer le jugement sur le dossier qu'il traite, mais d'autres juges.

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En l'occurrence, Patricia Simon et Claire Thépaut, les deux juges d'instruction du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, ont mené une enquête – ou information judiciaire – sur l'ancien président Nicolas Sarkozy depuis le 26 février 2014.

Concrètement, un juge d'instruction peut autoriser certaines perquisitions, placer un suspect sous contrôle judiciaire ou délivrer des mandats à son encontre. C'est lui qui procède le plus souvent aux interrogatoires des personnes sur lesquelles des indices ont été recueillis, entend des témoins, ordonne des écoutes téléphoniques.

Lire aussi : La revanche des juges d'instruction

La carrière du juge d'instruction, contrairement à celle du procureur, ne dépend pas du ministère de la justice. Souvent décrit comme « le plus puissant de France », il n'est pas soumis à un supérieur hiérarchique dépendant du gouverment, qui pourrait lui donner des instructions d'ordre politique sur un dossier en cours. D'après le Code de procédure pénale, « le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utile à la manifestation de la vérité ».

Il n'a cependant pas tous les pouvoirs : ce n'est pas le juge d'instruction, mais le parquet (le procureur et ses substituts) qui décide de la saisine qui va lancer l'affaire. Par ailleurs, il ne possède plus, depuis 2001, la possibilité de placer lui-même le mis en examen en détention provisoire.

A la suite du souhait formulé par le président de la République en 2009 (Nicolas Sarkozy à l'époque), un projet de loi a vu le jour en 2010 qui proposait de supprimer le juge d'instruction au profit d'un juge de l'enquête. Cette réforme, qui avait suscité l'ire des juges d'instruction, n'avait toutefois pas abouti.

Relire : M. Sarkozy envisage de supprimer le juge d'instruction

Pour mettre fin à la solitude du juge d'instruction, mise en lumière dans l'affaire d'Outreau, des « pôles de l'instruction », composés de plusieurs magistrats, ont été créés dans certaines juridictions, à la suite de la loi de mars 2007. Tous les tribunaux ne disposent pas d'un pôle d'instruction. Les pôles sont définis par décret.

Mmes Simon et Thépaut font partie d'une instance spécialisée, le pôle financier, où officient une dizaine de juges d'instruction spécialisés dans les questions financières. Ce sont eux qui traitent les grandes affaires politico-financières, ce qui explique que certains noms reviennent souvent.

La cosaisine, introduite par la loi de 2007, permet à deux ou trois juges d'instruire ensemble un dossier. Mais la justice manque de moyens. C'est pourquoi ils ne sont souvent que deux.

A propos de cette collégialité, une étude d'impact de juillet 2013 de l'Assemblée nationale soulève « la difficulté (…) des moyens nécessaires à son application ». « Elle nécessiterait la création de plus de 300 [postes de] juges d'instruction. »

Le juge d'instruction ne peut pas s'autosaisir d'une affaire. Autrement dit, Claire Thépaut et Patricia Simon n'ont pas choisi d'elles-mêmes d'enquêter sur l'affaire des écoutes de Sarkozy. Point qui a d'ailleurs été souligné dans des commentaires sur Twitter, notamment de la part de magistrats et d'avocats.

Il est saisi par le procureur de la République, soit de sa propre initiative, soit à la demande d'une victime qui s'estime insatisfaite – mais ce cas est beaucoup plus rare.

Pour assurer sa mission, le procureur est tenu informé par plusieurs moyens : il reçoit directement les plaintes et dénonciations, et les autorités de police lui rapportent les infractions. Après une phase d'enquête qu'il dirige, le procureur de la République prend librement une décision sur l'action publique à mener.

Il peut alors, entre autres solutions (classer sans suite, rappel à la loi, médiation…), saisir un juge d’instruction si l'affaire est grave ou complexe et nécessite une enquête approfondie.

Dans l'affaire des écoutes de Sarkozy, c'est Eliane Houlette, nommée procureur financier national le 1er février 2014, qui a décidé d'ouvrir une information judiciaire. C'est ensuite le président du tribunal qui a demandé à Mme Thépaut et Mme Simon d'enquêter : il s'agit de Chantal Arens, qui dirige le tribunal de grande instance de Paris depuis 2010.

Ses interventions dans le débat public sont très rares mais elle a tout de même rappelé que « les décisions [des juges d'instruction] sont soumises au contrôle des juridictions supérieures ».

1. Qu'est-ce qu'un juge d'instruction ?

2. Est-il vraiment le juge « le plus puissant de France » ?

3. Pourquoi sont-ils souvent deux ?

4. Qui choisit les juges qui vont traiter le dossier ?

5. Finalement, qui juge l'affaire ?

Une fois toutes les pièces rassemblées, le juge d'instruction peut mettre en examen, placer la personne visée sous contrôle judiciaire, ou la libérer.

La mise en examen constitue une phase d'enquête supplémentaire : la personne est mise en examen si des indices graves ou concordants existent et rendent vraisemblable sa participation à un crime ou à un délit, comme le précise l'article 80-1 du Code de procédure pénale. De son côté, le mis en examen dispose de droits spécifiques d'accès au dossier, et doit respecter certaines obligations.

Quand le travail de directeur d'enquête est terminé, soit le juge estime qu'il y a suffisamment de charges pour donner lieu à un procès, auquel cas il y a instruction devant une cour, jugement et application de la peine, si peine il y a ; soit il estime que les charges ne sont pas suffisantes et s'en tient là.

L'affaire arrive donc ensuite devant une cour, qui la juge. Il est alors possible pour le justiciable qui s'estime lésé par ce jugement de faire appel. S'il conteste son jugement sur la forme, il peut alors se porter en cassation.

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