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Les arguments de la défense de Sarkozy

L'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy a-t-elle suivi une procédure régulière et conforme au droit ? Une question posée par les sarkozystes, mais aussi par plusieurs avocats et juristes.

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Publié le 04 juillet 2014 à 18h00, modifié le 04 juillet 2014 à 18h05

Temps de Lecture 7 min.

Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy, estime que l'action annoncée par Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy est

L'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy et de son avocat Thierry Herzog a-t-elle suivi une procédure régulière et conforme au droit ? La question est posée, non seulement par les soutiens de l'ancien chef de l'Etat, mais aussi par plusieurs avocats et juristes. Ils ciblent plusieurs points de l'instruction qui leur semblent poser question.

Il faut rappeler que Me Herzog et son client jouent gros : si les écoutes judiciaires sont invalidées, tous les actes menés en fonction de ce qu’elles révélaient le sont également. Et l’affaire aurait donc de fortes chances de s’éteindre. Résumé de leurs arguments.

 

Pour le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, dans Le Figaro, « les juges sont allés trop loin. Et nous n’allons pas laisser faire cela. Ils sont sortis de leur saisine pour aller au fil d’écoutes téléphoniques dérivantes de dossier en dossier. Ils sont passés tout d’un coup au dossier Bettencourt et puis au dossier Tapie, et puis à je ne sais à quel autre dossier. Mais ça, c’est interdit. Les écoutes à filet dérivant, ce n’est juridiquement pas possible. »

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Les écoutes ont été ordonnées par les juges Tournaire et Grouman, dans le cadre d’une information judiciaire pour « corruption », visant les soupçons de financements libyens de la campagne de 2007. Elles ont eu lieu à la fin de 2013 et au début de 2014.

Mais en procédant à ces écoutes, les magistrats découvrent l’existence d’une seconde ligne téléphonique, ouverte au nom de Paul Bismuth, et sur laquelle conversent M. Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog. Leurs conversations indiquent que les deux hommes sont très bien renseignés sur les procédures en cours dans une autre affaire, celle de l’arbitrage Tapie. Et laissent penser qu’un haut magistrat, Gilbert Azibert, les renseigne, en échange de promesses de postes.

Les deux juges rédigent une ordonnance de soit-communiqué à destination du nouveau parquet national financier, un document par lequel ils l’informent de leurs découvertes. Celle-ci décide, le 26 février, d’ouvrir une information judiciaire pour « violation du secret de l’instruction » et « trafic d’influence ». Deux juges sont alors saisies, sur la foi des soupçons révélés par les écoutes.

« LES ÉCOUTES À FILET DÉRIVANT »

Pour M. Sur, les écoutes réalisées dans le cadre d’une enquête (en l’occurrence, l’éventuel financement lybien de la campagne de Nicolas Sarkozy) ne peuvent pas être réutilisées dans un autre dossier.

Pour mettre quelqu’un sur écoute, le juge d’instruction doit motiver sa décision par « tous les éléments d’identification de la liaison à intercepter, l’infraction qui motive le recours à l’interception, ainsi que la durée de celle-ci », d’après l’article 100-1 du code de procédure pénale.

Contrairement à ce qu'on a pu lire dans la presse, la chambre de l'instruction n'a pas été saisie de ces écoutes, précise-t-on de source judiciaire. Ce qui est logique, MM. Sarkozy et Herzog n'étant jusque-là pas au fait du dossier. Désormais mis en examen, et ayant de ce fait accès aux pièces, MM. Herzog et Sarkozy vont pouvoir saisir la chambre de l'instruction, qui pourra se prononcer sur la légalité de cette procédure d'écoutes.

Des échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, mais aussi entre ce dernier et son bâtonnier, ont été écoutés. Plusieurs avocats ont dénoncé « une violation de la loi et une atteinte grave aux libertés fondamentales », et évoqué « un glissement des magistrats » qui « grignotent » le principe de confidentialité pour obtenir plus d’informations.

Thierry Herzog avait répondu au Monde le 7 mars 2014 que « les conversations entre un avocat et son client ne peuvent être écoutées, pire, enregistrées et retranscrites, pour fonder l’ouverture d’une information ».

C’est ce que dit l'article 100 alinéa 7 du code de procédure pénale : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction. » Ce qui fut le cas, semble-t-il, puisque le bâtonnier ne l’a jamais contesté.

L’avocat général près la Cour de cassation, Philippe Lagauche, dont la lettre avait été brandie par la ministre de la justice, Christiane Taubira, et transcrite par Le Monde, estimait au contraire que, « après examen de la jurisprudence relative à l'interception et à la retranscription de conversations entre une personne et son avocat, il apparaît que la validité de celles-ci, même si elle peut donner lieu à des contestations, peut se soutenir, le contenu des conversations et l'usage d'une ligne ouverte sous une identité d'emprunt étant de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d'une infraction au sens de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 2003 ».

Selon la Cour de cassation, qui a tranché la question dans un autre litige en 2003, en effet, « le principe de la confidentialité des conversations échangées entre une personne mise en examen et son avocat ne saurait s'opposer à la transcription de certaines d'entre elles, dès lors qu'il est établi (...) que leur contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d'une infraction, fussent-ils étrangers à la saisine du juge d'instruction ».

En clair, on ne peut opposer le secret professionnel aux révélations issues d’une écoute, dès lors que celles-ci laissent présumer des faits délictueux.

Pour Me Cressard, ancien bâtonnier de Rennes, interrogé par Ouest France, « l’écoute par des policiers de cette conversation entre un avocat et son bâtonnier, qui est lui-même le confident des avocats de son ordre, est profondément choquante ». Les relations avocat-bâtonnier ne font l’objet d’aucun statut particulier, sauf si le porte-parole des avocats, ici, Pierre-Olivier Sur, était lui-même l’avocat de Me Herzog. Or, ce n’est pas le cas. Impossible donc de qualifier ces écoutes de violation du principe de confidentialité.

En outre, la plupart des avocats estiment surtout que ce cas est révélateur de manques dans la loi et d’une protection insuffisante de la confidentialité des conversations entre un avocat ou son client. Mais estimer que la loi n’est pas suffisante est bien différent d’estimer qu’elle n’a pas été respectée.

Pour Me Dupond-Moretti, questionné par Le Figaro, « on est dans l’abus de pouvoir absolu. Le portable professionnel de Thierry Herzog a été saisi, ce qui, de mémoire, n’était jamais arrivé. »

Le portable de l’avocat de M. Sarkozy a effectivement été saisi dans le cadre d’une perquisition en mars à son cabinet. Le bâtonnier (représentant de l’ordre des avocats dans un ressort judiciaire) avait contesté cette saisie. Le portable avait alors été placé sous scellé, en attendant la décision du juge des libertés et de la détention chargé de trancher. Ce dernier a validé la décision des magistrats instructeurs et ordonné une expertise sur le téléphone.

Aussi, pour Me Corine Dreyfus-Schmidt, présidente de l’Association des avocats pénalistes, interrogée par Le Figaro, « les méthodes employées par les juges d’instruction et les services de police ne sont pas justifiables ». Elle estime ainsi que les perquisitions réalisées le 4 mars aux domiciles et dans les locaux professionnels de Me Herzog et du haut magistrat M. Azibert sont disproportionnées.

L’instruction qui avait ouvert son enquête et procéder à ces perquisitions début mars cherchait à préciser les relations qu’entretiennent l’ancien président de la République, son avocat Thierry Herzog et Gilbert Azibert, magistrat de la Cour de cassation.

« Les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité », précise le code de procédure pénale. Sous réserve du respect du secret professionnel et des droits de la défense, peut-on lire un peu plus loin.

La plupart des magistrats et avocats soulignent cependant surtout une protection insuffisante des droits de la défense dans la législation actuelle, et réclament de nouvelles lois.

1. Les écoutes ont été ordonnées dans une autre affaire

2. Une violation du secret professionnel ?

3. Des perquisitions et des saisies chez les avocats

4. Un trafic d’influence difficile à établir ?

Nicolas Sarkozy a affirmé lors de son entretien accordé à TF1 et Europe 1, qu’il n’a « pas fait [la] démarche » d’agir en faveur de Gilbert Azibert pour qu’il obtienne un poste à Monaco :

Il existe une écoute ou je dis à Thierry Herzog, qui bizarrement n'est pas sortie dans la presse où je dis : « Non je ne ferai pas d'intervention. » Me Azibert n'a rien obtenu. Où est la corruption ? Où est le trafic d'influence ? Ces motifs ont été retenu dans le seul objectif de m'humilier et de me diffamer.

En cas de mise en examen, la loi dispose que le juge d’instruction doit porter à la connaissance de l’individu concerné les faits qui lui sont reprochés. Cette étape supplémentaire de l’enquête permet, toujours selon le code de procédure pénale, à « l’avocat de consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne ».

Si Nicolas Sarkozy reste persuadé qu’il existe une irrégularité dans la procédure d’instruction qui a commencé en février dernier, il peut demander l’annulation de sa mise en examen dans les six mois qui suivent la date de son audition du 2 juillet 2014. Son avocat Thierry Herzog avait saisi la chambre d’instruction de Bordeaux dans le cadre de l'affaire Bettencourt il y a un an pour révoquer la première mise en examen de l’ancien chef d’Etat.

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