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Comprendre la polémique autour de Sniffy, la poudre blanche énergisante aux allures de cocaïne interdite par le gouvernement

Après des semaines de polémique, le gouvernement a décidé d’interdire ce produit énergisant vivement critiqué par les addictologues.

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Publié le 25 juillet 2024 à 13h50, modifié le 25 juillet 2024 à 16h45 (republication de l’article du 28 mai 2024 à 19h38)

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Le Sniffy peut ressembler, dans sa présentation et dans son mode d’administration, à de la cocaïne.

Après s’être positionnée publiquement contre la poudre Sniffy en mai, la ministre de la santé démissionnaire, Catherine Vautrin, a décidé de passer à l’action. Elle a annoncé, mercredi 24 juillet, avoir signé un arrêté d’interdiction de ce produit énergisant, qui devrait entrer en application dans la semaine.

La ministre était dans l’attente d’un retour de la Commission européenne, à qui elle avait demandé le 3 juin l’autorisation d’interdire Sniffy. En visite auprès des équipes du SAMU de Paris à l’hôpital Necker, mercredi, Mme Vautrin a justifié sa décision d’interdire cette substance en affirmant que « le lien avec des produits illicites [était] évident » à propos de cette poudre blanche énergisante inhalable à l’origine. En mai, la Confédération des buralistes s’était aussi positionnée « contre ce produit » aux allures de cocaïne, tout comme plusieurs addictologues, qui en réclamaient l’interdiction.

En réaction à la polémique suscitée par son produit, la société Power Factory avait déjà renoncé le 5 juin à commercialiser la poudre Sniffy avec absorption par inhalation, assurant n’avoir jamais eu l’intention d’inciter ses clients à la consommation de cocaïne. Depuis cette date, elle ne vendait plus qu’une version de la poudre consommable par voie orale.

Qu’est-ce que ce produit énergisant ?

La marque Sniffy a été déposée à la mi-2023. Selon le site officiel du fabricant, mis à jour depuis la polémique, cette poudre énergisante « permet de booster ton énergie quasi instantanément ou de manière plus diffuse dans le temps selon le mode d’administration (sublinguale ou orale) ». Elle se décline en saveurs sucrées (fruit de la passion, fraise bonbon, menthe…), et semblait initialement viser un public jeune, en estimant que le produit permettait d’accompagner les consommateurs dans leurs études et lors de leurs examens. A présent, Sniffy explique sur son site que sa poudre est utile pour « rester éveillé et/ou concentré » et accompagne les usagers lors de leurs « exercices physiques ou efforts mentaux » ou « encore la nuit ».

Les composants du produit – la L-arginine, la caféine, la créatine, la L-citrulline, la taurine, la bêta-alanine et la maltodextrine – rappellent ceux des boissons énergisantes. L’ensemble de ces stimulants a pour but affiché de revigorer les personnes ressentant une fatigue passagère.

Sauf qu’à la différence des boissons énergisantes, cette poudre blanche devait, à l’origine, être inhalée par le nez à l’aide d’une pipette. La pratique rappelait celle des consommateurs de cocaïne, comme le dénonçaient les responsables politiques et les addictologues opposés à sa vente.

Ce produit est disponible au tarif de 14,80 euros pour une fiole d’un gramme et « essentiellement mis en vente sur Internet », avait affirmé, en mai, à l’Agence France-Presse le président de la Confédération des buralistes, Philippe Coy, qui estimait à « quelques dizaines au plus » le nombre de bureaux de tabac qui en commercialisent.

Pourquoi « Sniffy » fait polémique ?

Plus que les composants, c’est le mode d’administration de ce produit qui questionnait les détracteurs de Sniffy. « Il ne faut pas tourner autour du pot, c’est fait pour maintenir la confusion et donner le sentiment qu’on est en train de consommer de la cocaïne, d’en avoir les effets, sans que ce soit vraiment de la cocaïne, se révoltait en mai auprès du Monde l’addictologue Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, qui déplorait le « cynisme » du fabricant. « C’est scandaleux, sur le plan éthique et moral, de proposer une Red Bull ou une Gatorade [des boissons énergisantes] sous la forme de poudre », ajoutait-il.

L’association Addictions France s’inquiétait aussi de « la banalisation de la cocaïne » et, « circonstance aggravante », des saveurs sucrées qui « attireront les plus jeunes ».

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Si le geste interrogeait les spécialistes en addictologie et les politiques, il ne semblait pas interpeller la sensibilité de l’entreprise marseillaise. « Une poudre blanche qu’on inhale par le nez ? Pas d’amalgame, Sniffy est légale », ironisait même la marque.

Quels peuvent être les effets indésirables ?

Sur son site, le fournisseur de Sniffy restreint la vente de son produit aux adultes et conseille aux consommateurs de consulter un professionnel de santé pour évaluer les risques. S’il recommandait d’abord « de commencer par de petites doses » et « d’augmenter au fur et à mesure », le fabricant se contente à présent de prévenir ses consommateurs de ne pas dépasser « la dose maximale quotidienne » – estimée à deux grammes par jour, soit l’équivalent de deux fioles –, et invite les usagers à éviter toute interaction de Sniffy avec de l’alcool ou des médicaments.

« Cette limitation de consommation ne repose sur rien de scientifique, c’est juste un moyen pour eux de se protéger sur le plan juridique, jugeait le professeur Benyamina. En plus, ce produit ne s’achète pas en pharmacie ; un buraliste ne va pas vous expliquer la notice médicamenteuse et les limitations. »

Outre les surdosages, les effets indésirables de cette substance peuvent être similaires à ceux de la consommation de boissons énergisantes : douleurs thoraciques, hypertension et anxiété. L’inhalation peut également infliger, selon le professeur Benyamina, « des microtraumatismes dans les narines, comme aux consommateurs de cocaïne, à cause de la paille ». Avant de renoncer le 5 juin à la consommation par inhalation, le fournisseur alertait d’ailleurs sur le fait que « la prudence est de mise pour préserver la santé des muqueuses nasales ».

Avant Sniffy, les « puffs », les cigarettes électroniques jetables, prisées des jeunes, avaient fait polémique pour des questions écologiques et de santé publique. Apparues sur le marché français en 2021, elles avaient fait l’objet d’une proposition de loi d’interdiction à la fin de 2022. Le texte n’a été adopté qu’en mars 2024, après un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais il doit encore recevoir l’aval de la Commission européenne, afin de vérifier si l’interdiction est conforme au droit communautaire.

Retrouvez tous les articles explicatifs des Décodeurs dans notre rubrique « Pour comprendre ».
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