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Les dilemmes linguistiques des écrivains ukrainiens

Le pays a beau être bilingue, parler et, surtout, écrire le russe, langue de l’ennemi, est désormais problématique. Pour les auteurs russophones et leurs éditeurs, changer d’idiome, ou le traduire, s’impose.

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Publié le 15 septembre 2022 à 06h00, modifié le 02 juillet 2023 à 11h41

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Chez un libraire du marché aux livres de Kiev, en juin. Olexander Drobin doit-il se séparer de ses livres en russe ?

Parler la langue de l’ennemi n’est pas confortable, mais l’écrire peut devenir carrément indésirable. C’est en tout cas ce qu’éprouvent un certain nombre d’auteurs ukrainiens, dans ce pays où l’adhésion à la langue ukrainienne ­progresse, surtout depuis le début de la guerre, mais où quelque 20 % de citoyens se déclaraient de langue maternelle russe en mars 2022 (contre 42 % en 2012). Par loyauté vis-à-vis de leur pays, plusieurs d’entre eux ont donc décidé, soit de passer à l’ukrainien, soit de mettre un terme à la publication d’une partie de leurs textes. Ils n’y sont nullement obligés, puisque le russe n’est pas interdit en Ukraine, contrairement à ce qu’affirme la propagande du Kremlin, mais leur démarche reflète un climat où la culture est fortement impliquée dans l’effort de guerre.

A Kiev, le Parlement a clairement pris position dans ce sens : deux lois votées le 19 juin confirment que le conflit ne se limite pas aux manœuvres militaires. Ces textes, toujours en attente de la signature présidentielle, disposent qu’il est désormais interdit de diffuser de la musique russe dans les lieux publics (en tout cas celle dont les auteurs ont acquis la nationalité russe après 1991 et la chute de l’URSS) et que l’importation de livres russes est maintenant prohibée en Ukraine. Après six mois de combats, des dizaines de milliers de morts et de déplacés, des centaines de bâtiments bombardés, l’annonce peut sembler symbolique. Elle est pourtant capitale, dans un pays où la défense de l’ukrainien est aussi une lutte pour l’identité nationale.

Le mouvement s’est amorcé après la ­révolution de Maïdan, en 2014. Avant cela, « 80 % des livres vendus en Ukraine étaient importés de Russie », explique l’éditeur Oleksandr Krassovytsky. En juin 2022, au terme de dix ans de baisse continue, la part des livres russes ne ­représentait plus que 45 %. Chez Folio, maison fondée à Kharkiv, ville où les ­russophones sont très nombreux, « nous n’éditons plus de Russes en langue russe depuis le mois de février, explique M. Krassovytsky, ni les classiques ni les contemporains. Boulgakov, par exemple, nous le traduisons d’abord en ukrainien ». Les seuls ouvrages à paraître encore en russe sous le label Folio sont écrits par des auteurs ukrainiens dont c’est la ­langue maternelle.

La langue de Pouchkine et la langue de Poutine

D’après M. Krassovytsky, 75 % des Ukrainiens sont capables de lire dans les deux langues, mais écrire, c’est autre chose. Né à Tchernivtsi, en 1950, Boris Khersonsky a presque toujours vécu dans la ville majoritairement russophone d’Odessa, mais il peut écrire en ukrainien pour l’avoir appris dans sa jeunesse, quand il étudiait la psychologie, à Kiev. « Avant 2014, on avait la possibilité de s’exprimer dans une langue ou l’autre sans aucun problème », souligne ce poète à la barbe blanche, interviewé grâce au concours d’Iryna Dmytrychyn, maîtresse de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), pour la traduction.

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