LA LISTE DE LA MATINALE
Sur notre scène littéraire cette semaine, le troisième tome du cycle autobiographique de l’icône des droits civiques Maya Angelou (1928-2014) : ses 20 ans riment avec une renaissance intérieure et sa percée dans le show-business ; le nouveau livre d’Edouard Louis, dans lequel il continue à écrire l’histoire de sa mère, celle d’une libération de toute oppression ; un récit hybride, entre prose poétique et photos, de l’écrivaine et journaliste Emilienne Malfatto, ovni artistique autour des disparus de la dictature militaire argentine ; une anthologie d’écrits érotiques rédigés par des femmes, pour dire le plaisir féminin et son imaginaire ; et une réflexion de l’anthropologue Tim Ingold, qui se demande comment étendre notre empathie à toutes les formes de vie, afin de se mettre à la place de la nature.
ROMAN. « Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël », de Maya Angelou
Corps et musique sont les fils de ce récit centré sur la renaissance, à San Francisco, de Marguerite Johnson en Maya Angelou. Née en 1928, morte en 2014, poète, dramaturge, scénariste, actrice et professeure, l’écrivaine a milité pour les droits civiques aux côtés de Malcolm X et de Martin Luther King. Maya Angelou a eu sept vies, tels les sept tomes de son autobiographie. Commencés en 1969 avec Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage – récit d’une enfance au cœur de l’Arkansas ségrégationniste, marquée par un viol à 8 ans –, ces Mémoires sont publiés en France dans le désordre.
Rassemblez-vous en mon nom (Notabilia, 2020), le deuxième tome, campait une mère célibataire de 17 ans osant tous les métiers pour s’en sortir avec son fils. Dans Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël, le troisième tome, paru en 1976 et inédit en français jusqu’ici, Marguerite Johnson, la vingtaine, se bat toujours. Danseuse et chanteuse, elle embarque pour la tournée de l’opéra de George Gershwin Porgy and Bess (1954-1955). Les gospels de l’enfance et le jazz du passage à l’âge adulte s’infiltrent dans chaque page de ce roman de formation, rappelant à Maya Angelou d’où elle vient, où elle va. Une prose qui a révolutionné l’écriture de soi. A une époque où l’on demandait aux auteurs noirs de défendre leur communauté, elle impose sa singularité. Gl. M.
RECIT. « Monique s’évade », d’Edouard Louis
Une nuit de 2021, Edouard Louis a reçu un appel de sa mère, Monique. Celle-ci lui confiait que son compagnon l’humiliait et l’insultait. D’Athènes, où il était en résidence d’écriture, l’auteur de Combats et métamorphoses d’une femme (Seuil, 2021) a aidé sa mère à organiser sa fuite dès le lendemain ; il a mis son appartement parisien à sa disposition, lui a commandé des taxis et des repas, s’est concerté avec sa sœur pour préparer la suite. Et il raconte aujourd’hui cette évasion dans un texte que sa mère lui a enjoint d’écrire. Si Monique s’évade est un texte « de commande », pas de doute : à l’écriture, celui qui tient la barre est bien Edouard Louis. Il fait droit à la singularité de la personnalité et de l’histoire de sa mère tout en continuant, inlassablement, à mettre au jour le système de domination de classe et de genre dans lequel cette dernière s’inscrit.
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