LA LISTE DE LA MATINALE
Franz Kafka s’impose en majesté dans notre sélection hebdomadaire, avec le troisième et dernier volet du monument biographique de Reiner Stach et un roman qui se penche sur la première compagne de cet auteur majeur du XXe siècle. Plus à l’Ouest, l’écrivain américain Robert Coover nous livre une suite des aventures de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn, à l’époque de la ruée vers l’or, tandis que Sébastien Dutreuil revient sur le concept de Gaïa, qui fait de la Terre un organisme vivant. L’historienne Andrea Wulf fait, elle, le portrait captivant de philosophes allemands des XVIIIe et XIXe siècles.
BIOGRAPHIE. « Kafka. Les années de jeunesse », de Reiner Stach
Un monument consacré à l’existence d’un des plus grands écrivains de la modernité s’achève avec ce Kafka. Les années de jeunesse, troisième et dernier tome du haletant récit de vie dû au biographe allemand Reiner Stach. Ces trois volumes s’imposeront longtemps comme une référence incontournable pour quiconque veut plonger intensément dans l’œuvre et le parcours de l’auteur du Château.
S’il fallait résumer en une expression l’immense mérite de l’ouvrage, celle d’« empathie lucide » approcherait l’impression d’ensemble qui se dégage de ces trois volumes. D’ailleurs, l’art et la manière de Kafka consistent pour Stach en un talent hors pair d’observateur et en une habileté à créer de la distance (attitude qui se reflète d’ailleurs dans la vie de l’écrivain).
Germanophone, mais maniant comme les siens couramment le tchèque, Kafka a dû affronter au quotidien le nationalisme régnant en Bohême, traversé parfois d’un antisémitisme qui n’était pas que « d’atmosphère ». A 14 ans, en 1897, il est témoin des destructions occasionnées par la « tempête de décembre » (Dezembersturm) au cours de laquelle la rivalité permanente entre Allemands et Tchèques à Prague se meut en des émeutes et aboutit au pillage et à l’incendie des synagogues et commerces juifs.
L’exceptionnelle porosité du jeune Kafka aux troubles de son temps, en particulier aux inventions technologiques (de l’aviation au cinéma), ouvre des pistes à l’interprétation de l’œuvre. Par là s’établit un lien complexe et fécond entre la vie et l’œuvre. N. W.
ROMAN. « La Vie après Kafka », de Magdalena Platzova
De Felice Bauer, la première compagne de Kafka, avec laquelle il a entretenu une relation épistolaire foisonnante entre 1912 et 1917 et s’est fiancé à deux reprises, il ne reste que très peu de chose. Pour comprendre la femme qui se cache derrière les 500 lettres que Kafka lui a adressées, rassemblées dans Lettres à Felice (Gallimard, 1972), l’écrivaine tchèque Magdalena Platzova la place au centre de son roman La Vie après Kafka. Durant dix ans, l’autrice du Saut d’Aaron (Agullo, 2021) a enquêté sur cette Berlinoise, afin d’étoffer la description d’un visage « osseux et vide », que Kafka dépeignait dans son Journal le 20 août 1912.
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