![Le biologiste et zoologue Paul Kammener.](https://img.lemde.fr/2024/07/10/0/0/2687/3600/664/0/75/0/1750f69_1720604445345-gamma-k047828-a4.jpg)
« Le Grand Livre des coïncidences » (La Loi des séries), de Paul Kammerer, traduit et édité par Hervé Lavergne et Raymond Clarinard, introduction d’Hervé Lavergne, Aux Feuillantines, « Dans la bibliothèque d’Arthur Koestler » , 360 p., 22,90 €, numérique 16 €.
VIENNE 1900, CRAPAUDS ET COÏNCIDENCES
Tout le monde a entendu parler de la loi des séries. Presque personne ne sait de quel livre elle provient, qui en élabora la théorie, ni même en quoi elle consiste exactement. C’est à Vienne, en 1919, que le biologiste et zoologue Paul Kammerer a publié La Loi des séries. Ce que nous apprennent les répétitions dans les événements de la vie et du monde… L’ouvrage, démesurément ambitieux, est fort étrange. A partir d’une centaine d’anecdotes vécues, il spécule sur le fonctionnement de la pensée, de la vie et de l’Univers. La première des cent coïncidences décrites est un fait banal : deux soirs de suite, au concert, le fauteuil de l’auteur était au dix-huitième rang. De proche en proche, il finit par expliquer comment « répétitions et ressemblances » constituent la loi cachée de la réalité…
Cet essai oublié, lu et commenté, en son temps, par Einstein, Freud et Jung, est aujourd’hui présenté en français, sous le titre Le Grand Livre des coïncidences, rassemblant de larges extraits de l’original traduits et commentés par Hervé Lavergne et Raymond Clarinard. C’est l’occasion de découvrir un texte inclassable et un auteur qui ressemble plus à un personnage de roman qu’à un chercheur lambda. La savoureuse étude que lui consacre Hervé Lavergne le fait sortir de l’ombre.
Surdoué, excentrique, provocateur
Fils d’un grand industriel viennois, Paul Kammerer (1880-1926) a défrayé la chronique de son temps, déguisé en savant fou aussi bien qu’en philosophe incompris. Surdoué, excentrique, provocateur, il commence par multiplier les expériences génétiques sur des salamandres et des crapauds vivants. Son but : défendre et illustrer la théorie décriée de Lamarck concernant l’hérédité des caractères acquis, et la réhabiliter contre celle de Darwin.
Ses adversaires s’empressent de le soupçonner de grossiers trucages et de malversations indignes. La polémique enfle. Les enquêtes postérieures – notamment celle qui fut menée en 1971 par Arthur Koestler pour réhabiliter Paul Kammerer – soupçonnent ses ennemis d’avoir eux-mêmes fabriqué les preuves destinées à le discréditer. En plus de ces scandales académiques, l’énergumène aggrave son cas en étant musicien. Excellent pianiste, compositeur à ses heures, ami d’Alban Berg et admirateur éperdu de Gustav Mahler… le profil n’est pas universitairement correct. Si l’on y ajoute de multiples aventures amoureuses avec des artistes de son temps, notamment Alma Mahler, des ennuis financiers permanents et un suicide spectaculaire, on s’étonne moins de la réputation volcanique qui lui a été faite.
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