Costume vert et chemise violette à jabot, lunettes rondes et cheveux en bataille, le jeune homme a débarqué de l’Eurostar, voyageur anglais échappé d’un film de Wes Anderson, son réalisateur préféré. C’est à un premier rendez-vous de travail à Paris que se rendait le designer Luke Edward Hall.
« J’ai rencontré Luke l’été 2019, se souvient Adrien Gloaguen, fondateur du groupe hôtelier Touriste. L’agent d’architectes, de designers et de décorateurs Julien Desselle m’avait soufflé son nom. Je cherche toujours de nouveaux talents, avec un vrai univers, afin de ne pas céder à la facilité de la redite dans mes établissements. L’hôtel étant proche de la gare du Nord, c’était amusant de bosser avec un Britannique. S’il paraît foufou, il est hypercarré dans le travail. Il a expliqué qu’il livrerait sa vision de Paris, dans une version assez clichée. À la réception des premiers croquis, quand j’ai vu 18 couleurs par chambre et pas un seul mur blanc, c’était déroutant, mais je lui ai fait confiance. »
Valse des couleurs
Fier, avec ses stores rayés vert sapin/bleu dragée, le vieil hôtel de gare aux 40 chambres à la vue spleenétique plongeant sur les voies de chemin de fer en est tout requinqué. D’un coup de baguette magique, Luke a planté le décor rutilant, et fait valser les couleurs puissantes, les imprimés qui clashent, les motifs graphiques. Il a un sacré don pour les alliances de teintes vives, acides, et de tons clairs.
Son choix de désuets sanitaires pastel n’est pas si culotté. Il a bien dédramatisé la salle de fitness avec un damier rouge et blanc au sol et de grosses fleurs en all-over sur les murs. Et l’ensemble reste lisible. Raffiné, sans lourdeur. En face, dans le bistrot très parisien, le magnifique plafond écaille de tortue, peint par l’artiste du trompe-l’œil Pauline Leyravaud, a bluffé les nouveaux clients qui ont cru l’endroit resté dans son jus. Perdu ! Le coquet café remplace un banal bar moderne.
Fortiche, le British explique toujours partir d’une histoire pour concrétiser ses projets. « Pour cet hôtel, précise-t-il, j’ai imaginé que l’immeuble appartenait à un collectionneur parisien globe-trotteur qui a décidé d’ouvrir sa maison. L’hôtel étant situé entre deux gares, j’avais en tête que ce soit une sorte de refuge coloré pour voyageurs. » Il explique s’être inspiré du mobilier français, du style Empire en particulier, notamment pour la conception des armoires et des tables de chevet dans les chambres.
Anti-minimaliste
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