« Je transitionne »… C’est l’expression qu’a choisie la nouvelle présidente de Médecins du monde (MDM) pour raconter sa métamorphose de médecin généraliste en responsable de l’ONG. Elue samedi 19 juin, pour un mandat de trois ans, Carine Rolland ne sera que la troisième femme – après Françoise Sivignon – à occuper ce poste depuis la fondation de l’association, en 1980.
Si cette ONG qui aide chaque année 4 millions d’êtres humains sur les cinq continents ne l’avait pas choisie pour prendre les rênes de son destin, la jeune quinquagénaire (née à Limoges en 1970), que Nantes connaît comme « la toubib des migrants », aurait de toute façon fermé son cabinet. « Parce que tout notre système de santé dysfonctionne aujourd’hui. Le Covid a montré le manque de lits d’hôpitaux, mais a aussi révélé le malaise profond de la médecine de ville », résume celle qui a très tôt dénoncé l’absence de masques, puis le manque de tests, et regrette plus fondamentalement que « le généraliste soit transformé en agent administratif ».
« Pas facile de lui faire des compliments ni de lui dire que son immense humanité est un trésor. » Osman Djallale, ancien sans-papiers
Elle dit aimer avant tout « soigner », prêter attention et tendre la main aux plus fragiles. Nul doute que son vécu nantais l’aidera à porter les trois missions de Médecins du monde, auprès de qui elle s’est engagée il y a dix ans : soigner, témoigner et accompagner le changement social. Une approche politique, qui, selon Benoît Letellier, urgentiste de Saint-Brieuc et ami de trente ans de Carine Rolland, va comme un gant à cette praticienne attachée depuis toujours à faire en sorte que sa vie soit le reflet de ses valeurs. « Etudiante déjà, elle avait une réflexion sur la marche du monde, s’intéressait à bien d’autres univers que la médecine et portait un engagement. Une femme qui déjà voyait loin et revisitait nos modèles de société », résume-t-il aujourd’hui.
Destins cabossés
Son militantisme, Carine Rolland l’a développé en parallèle à ses consultations classiques, au point que sa fille Oriane, 21 ans, raconte la triple vie de sa mère qui, en plus de son cabinet et de ses trois enfants, se bat depuis six ans pour les jeunes Africains échoués à la rue. Des jeunes traumatisés par leur parcours migratoire et abandonnés par une aide à l’enfance totalement dépassée.
Marie Hénocq, membre de l’association Cimade Bretagne, proche de la généraliste, pointe son énergie structurante, « sa capacité, au cœur du mois d’août 2015, au début de ce qu’on a appelé “la crise migratoire”, à mobiliser des réseaux multiples pour apporter une aide d’urgence aux jeunes à la rue, une aide juridique et alimentaire, et à ne pas lâcher l’affaire ensuite pour faire évoluer l’approche politique du sujet ».
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